Intégralité de la contribution intitulée "Note de position des avocats du barreau de Paris sur le thème 3 : « L’organisation de l’Etat et des collectivités publiques »"
Voici l'ensemble des réponses fournies par un contributeur du site officiel aux questions du thème Organisation de l'état et des services publics le 18 mars 2019 à Paris 1er Arrondissement .

Y a-t-il d'autres points sur l'organisation de l'Etat et des services publics sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
Le barreau de Paris observe à regret que le sujet de la justice n’est pas explicitement présent parmi les quatre grands thèmes du débat : la transition écologique, la fiscalité et les dépenses publiques, la démocratie et la citoyenneté et l’organisation de l’Etat et des services publics. D’ailleurs contrairement à d’autres services publics, ni le Ministère, ni les chefs de juridiction n’ont organisé de débat. La justice est pourtant un élément central de notre démocratie et un service public essentiel à nos concitoyens. Il aurait été particulièrement pertinent que les citoyens soient invités à s’exprimer sur son fonctionnement La Justice souffre aujourd’hui d’importants déséquilibres et d’un manque criant de moyens humains et financiers et la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui entrera prochainement en vigueur, ne fera qu’aggraver cet état de fait. La justice ne saurait se réformer par la biais d’une réforme au rabais et sans cohérence, passant par des phases de dématérialisation, de regroupement de juridictions voire de privatisation de certaines activités, à l’instar des réformes désastreuses qu’ont pu connaître d’autres secteurs publics (ex : santé, éducation). Les avocats du barreau de Paris souhaitent donc contribuer au grand débat national en intégrant la réforme de la justice au thème 3 portant sur « l’organisation de l’Etat et des services publics ». Ils avancent les propositions développées ci-après. 1. Doter la justice d’un budget à la hauteur de ses besoins · Notre justice souffre d’un manque criant de moyens humains et financiers. Celle-ci se trouve trop souvent sacrifiée sur l’autel des politiques d’économies budgétaires de l’Etat. Rappelons ainsi qu’aujourd’hui, pour 1 000 euros d’argent public, seuls 4 sont dépensés pour notre justice. Ainsi, nous n’allouons à notre système judiciaire que 66 euros par habitant, quand l’Allemagne y consacre le double de moyens et la Suisse quatre fois plus ! · La légère augmentation du budget de la Justice prévue par la dernière loi de finances ne met pas fin à cette situation d’urgence, puisque la quasi-intégralité de cette augmentation est dévolue à l’administration pénitentiaire. Proposition n°1 <U+27A2> Création d’une mission d’information parlementaire trans-partisane chargée d’auditer les besoins humains et financiers du service public de la Justice et d’émettre des recommandations qui seront répercutées dans un éventuel collectif budgétaire à l’été ou au plus tard dans le cadre de la prochaine loi de finances. 2. Consacrer une justice équilibrée entre pouvoirs du Parquet et droits de la défense · Les réformes pénales de ces dernières années ont eu pour effet d’accroître les pouvoirs du Parquet au détriment des droits de la défense. Cela aboutit à un grave déséquilibre de notre justice, dont les justiciables sont les premières victimes. Dans une démocratie, l’équilibre de l’institution judiciaire est un prérequis indispensable. · Dans un souci de respect des droits de la défense et du principe du contradictoire, le barreau de Paris avance deux propositions, qui permettront en outre de consacrer une justice équilibrée, indépendante et efficace. Propositions n°2 et n°3 <U+27A2> Modifier l’article 66 de la Constitution pour y intégrer que « Toute personne a droit à l’assistance d’un avocat pour assurer la défense de ses droits et libertés ». <U+27A2> Aller au bout de la réforme pénale en rééquilibrant les droits de la défense et les pouvoirs du parquet. Pour cela, il s’agit de renforcer le principe du contradictoire en permettant l’accès au dossier complet dès le début de la garde à vue et de l’enquête préliminaire, pour l’avocat. Les modalités de cette réforme peuvent être discutées dans le cadre d’une mission parlementaire avant d’être consacrée par un texte de loi. 3. Consacrer la séparation des corps · Notre système judiciaire est différent de tous les autres en ce qu’il fonctionne avec des magistrats du siège, indépendants, et des magistrats du parquet, dépendants du pouvoir exécutif. La confusion des deux corps donne aux justiciables le sentiment d'un front uni et ruine l'idée nécessaire que la justice doit être impartiale. · Afin d’assurer cette impartialité, il convient d’entreprendre la séparation du siège et du parquet. Proposition n°4 <U+27A2> Consacrer une séparation fonctionnelle et organisationnelle entre les juges et les procureurs, les uns assurant la fonction de poursuite, les autres le jugement. 4. Accorder à la réforme de la justice des mineurs un véritable débat public et parlementaire · La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui entrera en vigueur à la fin du mois de mars, prévoit la réforme de la justice pénale des mineurs par ordonnance. Celle-ci doit être présentée par la Chancellerie d’ici au mois de septembre. · Le barreau de Paris, s’oppose à une réforme de cette importance par ordonnance, sans véritable débat parlementaire ni consultation des professionnels de l’enfance et des professionnels du droit. Ces derniers, comme la représentation nationale, ont en effet vocation à participer de manière active à un débat précédant une éventuelle modification de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Proposition n°5 <U+27A2> Débattre de la réforme de la justice pénale des mineurs avec tous les professionnels concernés et donc renoncer à légiférer dans les six mois par voie d’ordonnance afin de permettre l’instauration d’un vrai débat et la recherche du juste équilibre de la réforme de la justice des mineurs. 5. Retrouver le sens et l’efficacité de la peine · Bruno Cotte, ancien président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, et Julia Minkowski, avocate au barreau de Paris, ont remis au garde des sceaux leur rapport sur le sens et l’efficacité des peines dans le cadre des chantiers de la justice. · Suite à l’adoption définitive du projet de loi Justice, force est de constater que le pouvoir exécutif est passé à côté des propositions les plus ambitieuses de ce rapport, pour sortir du tout-carcéral. Surtout, les débats parlementaires n’ont pas permis de réelle consultation ni de réflexion en profondeur sur les causes de l’inflation carcérale qu’a connu la France ces trente dernières années. Il convient ainsi de relancer le débat sur les prisons actuellement portées en peine référence alors que surchargées et en l’état, créatrices d’insécurité pour demain et de relancer le débat sur le sens de la peine. Propositions n°6 et 7 <U+27A2> Débattre du sens de la peine et cesser de faire de la prison une peine référence. <U+27A2> Débattre des moyens d’existence de la probation ou contrainte pénale dans le cadre d’un texte de loi, qui fasse écho aux travaux effectués ces dernières années sur le sujet et qui prenne en compte les priorités des professionnels du secteur. 6. Protéger les justiciables contre les braconniers du droit · La lutte contre l’exercice illégal du droit se fait devant la justice, où plusieurs décisions ont créé une jurisprudence qui condamne les braconniers du droit. Mais cela n’est pas suffisant. Certaines plateformes illégales sévissent encore au détriment des justiciables les plus fragiles, qui sont particulièrement ciblés. Seuls les professionnels du droit garantissent la qualité et l’efficacité de leur intervention et sont une protection indispensable pour les justiciables. · Le barreau de Paris sollicite donc le soutien ferme et affiché des pouvoirs publics en la matière. Proposition n°8 <U+27A2> Lancement par le ministère de la Justice d’un label de certification des plateformes juridiques en ligne, distinguant celles autorisées à exercer et celles qui sont illégales. La création de ce label peut être accompagnée d’une campagne de sensibilisation publique sur les dangers de ces plateformes pour les justiciables, à l’instar de ce qui a pu être fait par la Haute Autorité de Santé sur les sites médicaux non certifiés qui prodiguaient des conseils de santé au public.


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