Intégralité de la contribution intitulée "Produire davantage pour faire face aux besoins sociaux"
Voici l'ensemble des réponses fournies par un contributeur du site officiel aux questions du thème Fiscalité et dépenses publiques le 26 janvier 2019 à Ascain .

Que faudrait-il faire pour rendre la fiscalité plus juste et plus efficace ?
Voir réponse à la question ""Y a-t-il d'autres points sur les impôts et les dépenses sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?""

Quels sont selon vous les impôts qu'il faut baisser en priorité ?
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Afin de financer les dépenses sociales, faut-il selon vous...
Reculer l'âge de la retraite, Augmenter le temps de travail

Afin de financer les dépenses sociales, faut-il selon vous… [Autres]
Réindustrialiser nos territoires

Y a-t-il d'autres points sur les impôts et les dépenses sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
La question de la ré industrialisation de la France est transversale et ne peut être traitée uniquement à travers les questions précédentes. Par ailleurs, elle dépasse aussi la cadre de la fiscalité et concerne la transition écologique et l'organisation de l'état et des services publiques - Situation de la fiscalité Préambule : Toute analyse de la fiscalité nécessite l'intégration des contributions sociales car c'est le cumul des deux qui pèsent de façon excessive sur les ménages et les entreprises. D'autre part, la frontière est difficile à cerner. Par exemple, la CGS est-elle un impôt ou une contribution sociale ? Dans les faits, c'est un impôt. Depuis des années, face à l'évolution de l'environnement économique de notre pays et à ses conséquences sociales, les demandes des citoyens et les réponses essentiellement court terme des politiques ont contribué à mettre en œuvre des politiques fiscales et sociales visant à prendre aux uns pour donner aux autres et non à augmenter les richesses. Nous avons notamment alourdi la fiscalité et les charges sociales des entreprises dont la charge globale est devenue beaucoup plus lourde que la moyenne européenne. Cet handicap est en grande partie (avec la réduction du temps de travail et l'exigence de normes abusives) à l'origine de la perte d'une grande partie du tissu industriel français qui était le socle du modèle social dont nous constatons l'effritement. Par ailleurs, une grande partie du coût de notre modèle social pèse sur le travail (le salaire net d'un salarié est la moitié du coût global du salarié pour l'entreprise). Dans ce contexte, pour lutter contre le chômage des travailleurs peu qualifiés, les gouvernements successifs ont mené des politiques visant à la prise en charge par l'état des charges sociales au niveau du smic. En conséquence, une trappe à smic se constitue (puisque augmenter un salarié au smic devient dissuasif pour l'employeur), mais, plus grave, le travail peu qualifié étant ""subventionné"", l'employeur n'est plus économiquement incité à investir dans la montée en gamme, ce qui est pourtant indispensable pour conserver et développer une industrie dans un pays développé (les pays émergents savent produire le bas de gamme pour beaucoup moins cher). Enfin, la dérive de la dette, la nécessité de respecter nos engagements européens et la prise de conscience de l'impossibilité de taxer davantage nos entreprises, ont conduit l'état à accentuer la pression fiscale sur les ménages, celle-ci devenant insoutenable pour les ménages modestes. Il est important de ne pas se tromper de combat en rendant l'Europe responsable de nos difficultés. Certes, l'Europe est perfectible, mais, aujourd'hui, malgré une dette énorme, nous pouvons continuer à nous endetter à des taux historiquement bas grâce à notre monnaie, l'Euro, laquelle a la confiance des créanciers du fait de la bonne performance économique de la zone euro. Ainsi augmenter notre dette est, non seulement inacceptable vis-à-vis de nos descendants, mais nous affaiblit vis-à-vis de nos partenaires européens et nous prive ainsi des capacités à faire évoluer l'Europe conformément à nos valeurs. - Évolution de l'environnement économique Nous dépensons trop d'énergie à chercher des coupables (choix de l'assistanat par certains citoyens, cupidité des actionnaires, corruption et incompétences des politiques ...) au cours de débats stériles et désastreux pour la cohésion sociale. Il est essentiel de partager les fondamentaux de notre environnement économique pour construire la politique qui nous permettra de bâtir un nouveau modèle social pérenne. Sans exclure la nécessité de la contribution de la France, notamment dans le cadre de l'union européenne, à la construction d'un environnement économique mondial compatible avec nos valeurs, toute politique fiscale qui ferait abstraction de l'environnement économique actuel est vouée à l'échec. Il est notamment indispensable de tenir compte des nouvelles contraintes suivantes : . les capitaux sont mobiles au niveau mondial . les personnes sont mobiles au niveau mondial . la mondialisation met en concurrence l'ensemble des pays du globe, y compris les pays émergents dont le niveau de protection social de la main d'œuvre est minimale . les processus de fabrication sont mondiaux. Les composants d'un produit fini sont souvent issus des 4 coins de la planète, donc fermer les frontières nous condamnerait à l'asphyxie. . la numérisation des activités étend la concurrence mondiale au niveau des services . de nombreux pays, y compris dans l'union européenne, font du dumping fiscal ... Dans ce contexte, depuis 20 ans, la production française ""bas de gamme"" ne peut résister à la concurrence des pays émergents et les sites industriels correspondants sont fermés ou délocalisés. La France commence alors sa mutation vers la production de services et abandonne une grande partie de son industrie. Afin de faire face à son modèle social, la France s'endette, puis, pour faire face à ses créanciers, augmente les impôts dont, notamment, ceux des entreprises, ce qui engendre le pire cercle vicieux. Les entreprises industrielles en grand danger reçoivent le coup de grâce. En effet, l'alourdissement de la fiscalité des entreprises, la mise en œuvre de normes abusives et la réduction du temps de travail érodent les marges des entreprises qui ne peuvent plus faire les investissements nécessaires en R&D et en outils de production, lesquels permettraient de monter en gamme pour produire de façon compétitive en France. Ceci était possible puisque l'Allemagne, en plus mauvaise situation économique que la France à la fin des années 90, avec des contraintes sociales équivalentes, a réussi cette mutation et a conservé son tissu industriel. Parallèlement, les 15 plus grandes métropoles françaises se développent dans les services à forte valeur ajoutée et notamment dans les nouveaux métiers du numérique, en relation étroite avec les autres grandes métropoles du monde. Elles captent ainsi la plupart des richesses et de la croissance économique. D'où la partition de la France entre la France des gagnants autour de ces métropoles et le reste , la France périphérique qui pâtit de la désindustrialisation. En effet, dans la France périphérique, seule subsiste une économie de services à petite valeur ajoutée qui recrute une main d'œuvre peu qualifiée et procurent des emplois peu rémunérés et en nombre insuffisant. Nos entreprises industrielles étaient au cœur de notre modèle social, notamment, en associant toutes les couches de la société (actionnaires, management, cadres, ouvriers) dans un objectif convergeant en dépit des luttes sociales . Aujourd'hui, les deux France vivent et cherchent à vivre séparément, s'ignorent, ne se comprennent plus. La situation actuelle, quasi insurrectionnelle, en témoigne. - Opportunités Aujourd'hui, des opportunités sont à saisir : . La Chine et certains pays d'Asie sont sortis du sous-développement. Ainsi, les coûts de production augmentent de façon très sensible en Asie. . La robotisation de l'industrie met au second plan les coûts salariaux et au premier plan la capacité à attirer les capitaux et le niveau de qualification du personnel. Certes, les futurs industries ne créeront pas la masse de main d'œuvre des anciennes industries, mais emploieront des ouvriers hautement qualifiés avec de bons salaires et généreront dans les territoires une économie de services de bon niveau (maintenance des équipements, formations ...). . Les possibilités du numérique et l'émergences d'outils telles que les imprimantes 3D permettent la création de produits personnalisés à la demande et cela correspond à une demande croissante du marché. Dans de nombreux domaines, la production centralisée de produits standards en grande série sera remplacée par la production décentralisée de produits personnalisés. . Les contraintes écologiques tendront à rapprocher les centres de production des centres de consommation . Les échanges mondiaux diminuent et, en France, un début de relocalisation de la production est perceptible Pourquoi ne pas saisir ces opportunités pour créer dans nos territoires l'industrie du futur dans le cadre d'un nouveau contrat social au bénéfice de tous ? La fiscalité est un levier indispensable pour inciter les différentes parties (capital et travail) à avancer efficacement dans cette voie. - Proposition de politique fiscale La France a tous les atouts pour attirer les industries du futur. Nous avons notamment une situation géographique idéale au cœur de l'Europe, une proximité avec l'Afrique qui sera le prochain marché en forte croissance, un art de vivre et une culture susceptibles d'attirer les meilleurs talents, d'excellentes infrastructures (d'ailleurs mises en danger si nous ne redressons pas notre économie), d'excellents ingénieurs, une main d'œuvre de qualité. En réindustrialisant les territoires, des emplois qualifiés seront créés (ce qui suppose en parallèle la réforme de l'éducation nationale et de la formation professionnelle) et permettront d'offrir des salaires beaucoup plus élevés qu'actuellement, lesquels procureront un pouvoir d'achat qui permettra le développement économique local (commerce, services ...), éventuellement un réveil démographique et donc le maintien ou le retour de certains services publics. En conséquence, certains travailleurs surqualifiés pour leur emploi actuel libèreront les emplois de service peu qualifiés, lesquels seront disponibles pour les chômeurs actuels, l'objectif étant de proposer aux volontaires une formation continue pour leur permettre de grimper dans l'échelle des qualifications. Au final, les recettes fiscales croitront et les besoins sociaux diminueront, ce qui remettra la France dans un cercle vertueux et permettra de baisser la pression fiscale sur les entreprises et les ménages et, à terme, de diminuer l'endettement. Nous pouvons réindustrialiser nos territoires si nous conduisons une politique fiscale encourageant la production industrielle en France. Ci-dessous quelques propositions : . Attirer les capitaux mondiaux. A cet égard la flat taxe sur les revenus mobiliers a été une première étape très positive. Par contre, la demande consistant à restaurer l'ISF consiste à ""se tirer une balle dans le pied"". Cette mesure permettrait de satisfaire un besoin légitime de justice fiscale, mais serait inefficace et surtout contreproductive. En fin de document, quelques propositions sont présentées pour satisfaire autrement la demande de justice fiscale vis-à-vis des gros patrimoines. . Inciter les entreprises à investir, par exemple, en leur octroyant la possibilité d'accélérer l'amortissement des investissements. . Ramener les ""impôts de production"" au niveau de la moyenne européenne (deux fois inférieurs dans la zone euro). Il s'agit des impôts qui pèsent sur les entreprises quel que soit le montant des bénéfices réalisés : CET Contribution Economique Territoriale qui remplace l'ancienne Taxe professionnelle, le forfait social qui s'applique à la participation, à l'intéressement et aux plans d'épargne retraite, etc. Dans la situation budgétaire actuelle, trouver les recettes fiscales permettant de compenser cette mesure est problématique, mais il faut être conscient que, dans la compétition internationale, nos entreprises, qui sont la source de nos richesses, sont très handicapées. Il est urgent de mettre en priorité la réduction progressive des impôts de production car cette mesure accroitra nos richesses et trouvera donc un rapide retour sur investissement. . Pérenniser le crédit impôt recherche qui a largement fait ses preuves. La R&D est la première étape de la montée en gamme de la production. . Trouver de nouvelles pistes pour répondre à la demande de justice fiscale. Plutôt que de se focaliser sur la restauration de l'ISF qui se retournera contre ceux qui la demandent (investissement en France découragé), Il existe probablement des pistes à explorer pour satisfaire la demande de justice fiscale, notamment vis-à-vis des gros patrimoines. Il importe de viser l'égalité et non l'égalitarisme. Dans un objectif d'égalité, les pistes ci-dessous pourraient être ouvertes : Le malaise social actuel réside notamment dans la scission de la France entre les grandes métropoles et la France périphérique (territoires situées en dehors de la sphère économique des 15 plus grandes métropoles françaises). La scission s'exerce notamment à travers l'explosion des prix de l'immobilier qui enrichit les propriétaires dans les métropoles et qui rejette inéluctablement les classes populaires à l'extérieur des métropoles, les classes populaires cumulant ainsi tous les handicaps. Dans ce contexte, il peut être envisageable de mettre en question l'exonération des plus-values immobilières des résidences principales au-delà d'un certain seuil. En France, les patrimoines moyens se constituent principalement avec l'immobilier. Or, dans la France périphérique, le potentiel de plus-value immobilière (lorsqu'il y en a) est infime, ce qui interdit à ses habitants tout espoir d'intégrer à terme une métropole (d'où la frustration exprimée). Pour actualiser la valeur d'acquisition d'un bien, la moyenne de l'augmentation annuelle des prix de l'immobilier France entière pourrait être appliquée chaque année pour assurer l'équité sur l'ensemble du territoire. Ainsi, une plus-value correspondant à un cumul d'augmentations annuelles fortement supérieures à la moyenne nationale serait taxée de façon significative au-delà d'un seuil. Un système de tranches serait conçu de façon à assurer une progressivité de l'impôt et à cibler essentiellement les gros patrimoines. Dans la France périphérique, la mesure n'aurait pas d'impact puisque l'augmentation annuelle d'un bien sera proche de l'augmentation annuelle France entière. Toutefois, comme pour toute mesure fiscale, il sera nécessaire d'évaluer les éventuels effets pervers. Pour une grande partie des citoyens, la suppression de l'ISF est le symbole de l'injustice fiscale et est socialement inacceptable. Il n'est donc pas improbable que l'ISF soit restauré. Dans ce contexte, il est nécessaire de ne pas handicaper notre économie et de flécher le maximum de capitaux français vers les PME (Petites et Moyennes Entreprises - moins de 250 salariés) et ETI (Entreprises de Taille Intermédiaires - 250 à 5.000 salariés) européennes (il est important de se préoccuper autant des ETI que des PME car la difficulté de passage de PME à ETI est un spécificité française du fait de l'insuffisance de capitaux disponibles). Il est donc proposé d'exclure totalement de l'assiette de l'ISF, les titres correspondant aux souscriptions au capital de PME et ETI européennes. L'investissement dans le capital des PME et ETI est bénéfique à l'économie et notamment à l'industrie du futur dont les besoins en capitaux augmentent de façon vertigineuse(robotisation) et comporte des risques importants. Il est donc légitime de l'exclure de l'assiette de l'ISF.


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