Intégralité de la contribution intitulée "Rétablir le sentiment citoyen"
Voici l'ensemble des réponses fournies par un contributeur du site officiel aux questions du thème Démocratie et citoyenneté le 18 mars 2019 à Paris 17e Arrondissement .

En qui faites-vous le plus confiance pour vous faire représenter dans la société et pourquoi ?
les élus : c'est leur métier, ils ont le temps de se documenter

En dehors des élus politiques, faut-il donner un rôle plus important aux associations et aux organisations syndicales et professionnelles ?
Oui

Si oui, à quel type d'associations ou d'organisations ? Et avec quel rôle ?
l'entreprise, en tant qu'organe majeur de la vie sociale ( pas le Medef)

Que faudrait-il faire pour renouer le lien entre les citoyens et les élus qui les représentent ?
voir le chapitre 2) de la proposition

Le non-cumul des mandats instauré en 2017 pour les parlementaires (députés et sénateurs) est :
Une bonne chose

Pourquoi ?
sinon conflit d'intéret

Que faudrait-il faire pour mieux représenter les différentes sensibilités politiques ?
plus de proportionnelle

Pensez-vous qu'il serait souhaitable de réduire le nombre d'élus (hors députés et sénateurs) ?
Oui

Si oui, lesquels ?
surtout sénateurs

Que pensez-vous de la participation des citoyens aux élections et comment les inciter à y participer davantage ?
vote obligatoire stimulé

Faut-il prendre en compte le vote blanc ?
Oui

Si oui, de quelle manière ?
le compter dans les exprimés

Que faudrait-il faire aujourd'hui pour mieux associer les citoyens aux grandes orientations et à la décision publique ? Comment mettre en place une démocratie plus participative ?
un grand conseil de surveillance de la démocratie en fusionnant sénat et CESE , avec une part de tirage au sort + représentation de l'entreprise + impôt au premier euro de revenu + gouvernance européenne

Faut-il faciliter le déclenchement du référendum d'initiative partagée (le RIP est organisé à l'initiative de membres du Parlement soutenu par une partie du corps électoral) qui est applicable depuis 2015 ?
Non

Que faudrait-il faire pour consulter plus directement les citoyens sur l'utilisation de l'argent public, par l'Etat et les collectivités ?
conseil de surveillance fusion Sénat et CESE

Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental, doivent-elles jouer pour représenter nos territoires et la société civile ?
fusion Sénat / CESE

Faut-il transformer [nos assemblées, dont le Sénat et le CESE] ?
Oui

Si oui, comment ?
FUSION Sénat / CESE + part de tirage au sort

Que proposez-vous pour renforcer les principes de la laïcité dans le rapport entre l'Etat et les religions de notre pays ?
-

Comment garantir le respect par tous de la compréhension réciproque et des valeurs intangibles de la République ?
instruction, revalorisation des enseignants, participation obligatoire à la vie démocratique

Que faudrait-il faire aujourd'hui pour renforcer l'engagement citoyen dans la société ?
voir proposition

Quels sont les comportements civiques qu'il faut promouvoir dans notre vie quotidienne ou collective ?
rendre obligatoire la participation à la vie publique ( et la rémunérer)

Que faudrait-il faire pour favoriser le développement de ces comportements civiques et par quels engagements concrets chacun peut-il y participer ?
cf plus haut

Que faudrait-il faire pour valoriser l'engagement citoyen dans les parcours de vie, dans les relations avec l'administration et les pouvoirs publics ?
éducation a la vie civique de la Maternelle à la Terminale , ensuite rémunérer la participation

Quelles sont les incivilités les plus pénibles dans la vie quotidienne et que faudrait-il faire pour lutter contre ces incivilités ?
la haine et les mensonges dans les réseaux sociaux: éducation dès le primaire

Que peuvent et doivent faire les pouvoirs publics pour répondre aux incivilités ?
instruction scolaire

Quel pourrait être le rôle de chacun pour faire reculer les incivilités dans la société ?
surveillance accrue des messages délictueux

Quelles sont les discriminations les plus répandues dont vous êtes témoin ou victime ?
haine sur internet

Que faudrait-il faire pour lutter contre ces discriminations et construire une société plus solidaire et plus tolérante ?
instruction scolaire

Pensez-vous qu'il faille instaurer des contreparties aux différentes allocations de solidarité ?
Non

Que pensez-vous de la situation de l'immigration en France aujourd'hui et de la politique migratoire ? Quelles sont, selon vous, les critères à mettre en place pour définir la politique migratoire ?
OK comme aujourd'hui mais un rapport public régulier de l'état sur les flux

En matière d'immigration, une fois nos obligations d'asile remplies, souhaitez-vous que nous puissions nous fixer des objectifs annuels définis par le Parlement ?
oui

Que proposez-vous afin de répondre à ce défi qui va durer ?
-

Quelles sont, selon vous, les modalités d'intégration les plus efficaces et les plus justes à mettre en place aujourd'hui dans la société ?
l'école

Y a-t-il d'autres points sur la démocratie et la citoyenneté sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
RETABLIR LE SENTIMENT CITOYEN Par Claude Quéro ( Cl.quero@orange.fr , Tel : 0684244598) Cette contribution : 1) montre que l’invasion de l’individualisme et son corollaire, le déclin de la citoyenneté , est la cause principale du délitement du lien social, de la montée des populismes, et en particulier du phénomènes Gilets Jaunes, 2) propose plusieurs pistes pour rétablir le sentiment citoyen. C’est un extrait de conférence présentée récemment dans le cadre de ma vie associative, sauf la partie 2) réécrite pour être simple à exploiter 1) LES RAVAGES DE L’INDIVIDUALISME J’ai voulu chercher les fondements historiques et les carburants actuels de ce qui est en train de devenir un fléau du lien social: l’individualisme. Mais d’abord pour être bien d’accord sur ce dont je parle et donc ne parle pas , excusez-moi de commencer par une citation : « par peuple, il faut entendre, non pas un assemblage d’hommes groupés en un troupeau d’une manière quelconque, mais un groupe nombreux d’hommes associés les uns aux autres par leur adhésion à une même loi et par une certaine communauté d’intérêt » . Cicéron. Et j’ai envie d’ajouter une définition du philosophe moderne , grec comme par hasard, Castoriadis : « une société démocratique est une immense institution d’éducation et d’autoéducation permanente de ses citoyens » . Peuple, Démocratie, Citoyen. Voilà les mots clés et voilà ce qui est malade. Bien sûr on m’a dit « mais voyons ! du collectif, il y en a partout !» : regarde le nombre d’associations déclarées, notamment d’entraide, qui a été multiplié par dix en 50 ans, regarde BlaBlaCar et puis regarde, sur les ronds-points, il se crée du lien. Je souscris et, oui l’individu n’empêche pas le collectif, et oui je chéris comme vous ce joyau qu’est la liberté individuelle . Mais ce soir je veux parler de peuple pas de population, de démocratie pas de collectif, de citoyen pas d’individu. Or l’individu est en train de tuer le citoyen. Alors d’abord les racines. Les racines de l’individualisme, elles sont dans notre civilisation occidentale, elle-même marquée par le judeo-christianisme. Dans les civilisations de l’antiquité, et encore aujourd’hui sur les autres continents, les hommes sont définis par leur groupe, leur caste, leur tribu, leur lignée, leur village, du coup seuls les ermites sont individualistes. En occident en revanche , l’individualisme s’est développé avec le Christianisme, puis la Renaissance. Des penseurs occidentaux, Hobbes , Rousseau et d’autres, ont bien aperçu le risque pour la vie sociale. Mais la Révolution française et ses équivalents en occident, ont consacré solennellement la liberté individuelle. Néanmoins, jusqu'à la révolution industrielle, la société a tenu sur ce que Durkheim, le fondateur de la sociologie, appelle la solidarité –mécanique- : les individus ont peu de marge de manœuvre, ils se ressemblent et sont tous contraints par le trio famille, lieu (de vie et de travail, c’est le même), et religion. Mais Durkheim voit que l’accroissement du nombre et la division donc la spécialisation du travail vont permettre l’éloignement. Alors que pourtant les gens deviennent interdépendants et que la solidarité est d’autant plus indispensable. La solidarité mécanique devient la solidarité organique. Il prescrit un renforcement des institutions publiques, les corps intermédiaires, et les corporations professionnelles. Or le travail de Durkheim va servir de base scientifique à la doctrine politique dite du Solidarisme qui a été développée par Léon Bourgeois, président du conseil sous la 3e république et prix Nobel de la paix en 1920. L’idée est que tout être humain est redevable à la société qui lui a ouvert l'existence. Chaque homme doit donc « payer sa dette ». La solidarité est un droit, mais aussi un devoir et l’État doit obliger légalement chacun à contribuer. La 3ème république met en place le salaire minimum, des systèmes d'assurances protecteurs en cas d'accident, de maladie ou de chômage, l'impôt sur le revenu pour participer aux services communs, l’enseignement entièrement gratuit. Le Solidarisme se veut au dessus du Socialisme, et d’ailleurs aussi du Libéralisme dont nous allons reparler. Car en effet dans le même temps apparaît un autre idéal humaniste … l’idéal –socialiste- porté par des hommes comme Barbès, Blanqui, ou Raspail. Ceux-là voient plus d’intérêt dans la lutte , éventuellement jusqu’à la révolution, contre les forces supposées maléfiques détentrices de l’argent , en premier lieu le patronat, mais aussi l’état s’il en apparait complice. Le Solidarisme, lui, ne refuse pas l’économie de marché . Or bien que le mot Solidarisme ait disparu avec le mouvement radical après la libération, on peut considérer qu’il a fondé la vision dominante du lien social qui prévaut depuis plus d’un siècle… Car le front populaire et mai 68 sont des expériences de réformisme social, pas de pouvoir socialiste. Le Gaullisme est encore largement inspiré du Solidarisme. Ca commence par le fameux programme très social du Conseil National de la Résistance, qui n’émane pas de De Gaulle, mais qu’il a accompagné et surtout complété. Un fait un peu oublié, les gaullistes proposeront la « participation » et « l’association capital-travail » : dans le référendum de 1969, il y avait à la fois la participation au capital, la participation aux responsabilités, et la participation aux bénéfices. Mais le projet échoua car le vieux De Gaulle fut puni par là où il avait péché : l’usage du référendum comme plébiscite. Ceci dit, je me demande s’il ne serait pas intéressant de ressortir le projet de derrière les fagots ?. Du coup il faut bien constater que depuis ce moment de grâce républicain du CNR, les moteurs de l’individualisme se sont emballés. Nourris de multiples carburants que je vais tenter d’énumérer maintenant. - D’abord, il y a le triomphe du libéralisme… Les 70 ans après la guerre ont sonné la fin des idéologies et des idéaux collectifs: échec dans l’horreur du national-socialisme, échec du marxisme léninisme, baisse de la pratique religieuse historiquement fondatrice, le christianisme, déception du projet de gauche unie après l’espoir de 1981, baisse dramatique de la syndicalisation… Le libéralisme, lui , s’est imposé comme système économique universel auquel aucune grande nation n’échappe, au moins pour ses transactions internationales. Pour ma part, je serais prêt à travailler sur un système différent mais pour lors et vu l’urgence pour la Démocratie, je considère que le libéralisme n’est pas une option mais une donnée et que la France, avec ses petits bras, n’est pas en mesure de changer le système. Cela aurait peut-être été possible jusqu’à De Gaulle, ce n’est plus le cas. -Malheureusement il semble bien que l’idéologie libérale est à ce point puissante qu’elle a contaminé l’ensemble des choix supposés de vie. Toute la communication, les chansons, les magazines, les émissions de télé valorisent le choix individuel : « exprime toi, vie ta vie, vie tes rêves, ton travail est ton projet, ton éducation est ton talent, ton physique est ton mode de vie, donc vas en salle de sport, tes amours sont tes affinités donc pianote tes mots clés sur Tinder, ton mental est ton problème donc lis un bouquin de développement personnel, même ton genre est ton choix….C’est super, tu es responsable de ta vie »…. Mais finalement c’est bien la Civilisation de Performance et cette responsabilité au départ joyeuse, finit par fruster, isoler et devenir angoissante… Alors que…autrefois… la vie était pratiquement écrite à la naissance, ce qui en un sens procurait une certaine sécurité : on était ouvrier comme papa, on rentrait à l’usine comme papa, on se retrouvait au bistrot le soir, au dancing le dimanche et on était au syndicat comme tous les autres, on n’était pas coupable de ne pas réussir. - La sociologie moderne explique , Georg Simmel par exemple, que les individus désormais libérés appartiennent en fait à de nombreux cercles qui organisent leur vie, bien au-delà des cercles concentriques qu’étaient la famille, le travail et le quartier…avec d’abord le côté « tout est permis » des loisirs favorisés par la baisse du temps de travail : foot et tennis bien sûr mais pourquoi pas le club d’improvisation théâtrale, de fans de Game of Thrones , de traqueur de chauve-souris… Simplement Simmel explique qu’à la différence des cercles concentriques famille/ lieu/ travail , les nouveaux cercles ne se croisent pas. Chaque individu en est l’unique intersection… finalement solitaire… avec le sentiment d’insécurité déjà évoqué … Et en fait, face à ce sentiment de solitude et d’insécurité, il semble bien que les cercles d’accueil supposés protecteurs, de masse et militants sont en fait les cercles communautaires, en gros les identités : religion, couleur de peau, âge, retraité, jeune, homosexuel, hétérosexuel, handicapé, rural, citadin. Or comment réagissent les politiques ? Eh bien comme ils n’ont plus d’idéal collectif à proposer, et comme les cercles d’appartenance sont militants, les politiques ont remplacé la quête d’égalité entre tous par l’affirmation des droits de chacun…flirtant en permanence avec le communautarisme. Le résultat, comme le dit Glucksmann, dans « les enfants du vide », c’est qu’à reconnaître les identités et satisfaire leurs attentes spécifiques, on finit par exaspérer la communauté majoritaire… La communauté majoritaire c’est cette masse en général silencieuse parce que précisément elle n’a pas de revendication identitaire définie : je parle des blancs, qui travaillent et consomment, modestes mais pas assez pour être éligibles aux aides sociales, de faible niveau d’éducation mais socialisés et informés, … qui un jour se disent que leurs efforts servent à gratifier d’autres catégories, et qui se demandent pourquoi payer des impôts s’ils ne doivent tout qu’à eux-mêmes… qui ressentent un déni de dignité …alors qu’ils estiment constituer le peuple. C’est cette masse frustrée qu’ont su flatter les Trump, Farage, Poutine, Salvini, Le Pen, Orban, Erdogan… Et c’est bien au réveil de cette part nombreuse en volume de la population qu’on assiste aujourd’hui dans notre pays. - Ce qui est clair aussi c’est que la grande famille de gauche n’est plus la réponse –naturelle- aux frustrés du libéralisme. Déjà il n’y a plus de lien automatique entre origine sociale, statut économique et adhésion politique. Et comme déjà dit, selon certains, l’impression est (ou était) que pour la gauche, les vrais opprimés sont plutôt les immigrés ou les migrants, ou les très pauvres, ou les communautés militantes comme déjà vu. - Ensuite Il y a les grandes mutations sociologiques : l’émancipation progressive des femmes, la relative liberté de l’homosexualité, l’allongement de la durée de vie sont des phénomènes qui démontent le schéma familial classique : les divorces sont plus faciles, avec la précarité inhérente ( je pense aux femmes élevant seules des enfants), l’hébergement des anciens chez les enfants disparaît entrainant le problème de la dépendance en fin de vie. Alors que la famille était un élément fondamental de l’ancienne solidarité mécanique. - Le travail. Le travail est le facteur essentiel d’intégration selon les doctrines solidaristes. Or la crise, chronique depuis le premier choc pétrolier, l’a rendu incertain, individualisé, constamment réorganisé, sujet à la possibilité du chômage. Dans tous les cas, l’insécurité des parcours distend la relation de chaque travailleur avec son entreprise et collègues. Les groupes de travailleurs ne procurent plus de solidarités collectives. En France, les idées solidaristes avaient développé les corporations professionnelles et les syndicats de branche, et ce faisant des statuts protecteurs et fédérateurs, s’accompagnant de fierté collective : les fonctionnaires, les cheminots, l’EDF, Renault vitrine sociale de la France… Or les statuts sont aujourd’hui détricotés du fait de la concurrence venue indirectement de l’international et se développent au contraire les statuts solitaires de salarié tronqué, auto-entrepreneurs, portage salarial, et contrats zéro. - D’autre part la structure des activités a aussi changé. L’emploi est moins dans l’industrie et s’oriente désormais vers les univers de service… Les services sont plus individualistes dans leur définition même et avec des statuts plus récents, souvent plus précaires. Alors que les ouvriers à la chaîne vivaient de fait avec leurs collègues, voyaient chaque jour leur contremaître et leur directeur, au contraire les millions de travailleurs des services, ascenseurs, chauffagistes, livreurs et réparateurs divers passent les 2/3 de leur temps seuls dans leur camionnette, ou même aujourd’hui sur une bicyclette Deliveroo ! - Plus étonnant il y a l’effet de l’amélioration des transports, les routes et les transports en commun. Quoiqu’on en dise, les transports sont devenus infiniment moins couteux qu’avant Durkheim, et cela a également cassé le deuxième pilier de la solidarité mécanique en déconnectant le lieu de travail et le lieu d’habitation. La déconnection lieu de travail / lieu d’habitation permet, à coût égal, de gérer sa préférence de vie donc son individualisme. Telle famille avec enfants , de formation universitaire modeste, plus portée sur la proximité de la nature , préférera habiter en péri-urbain pour avoir une maison, un jardin, un chien, des toboggans pour les enfants, un barbecue pour les amis…quitte à accepter 1h de transport chaque soir et matin, ce que la baisse du temps de travail a rendu acceptable, quand telle autre, fan d’expos et de sorties, de boutiques en tout genre, de vie citadine acceptera un logement plus petit pour être au centre de la grande ville. Un effet corollaire typique dans les très grandes villes est la gentrification. Au départ les quartiers proches du centre-ville mais « limite insalubres » donc pas chers voient arriver les post-étudiants, amateurs de sorties, et sincèrement de diversité sociale. Ils deviennent bourgeois en restant bohèmes, tandis que la ville remet les immeubles aux normes…les loyers montent. A nouveau c’est la petite classe moyenne qui part en banlieue, et d’ailleurs pas les plus pauvres puisqu’il subsiste 20% d’habitat social à Paris par exemple. Il n’empêche, les gens différents se regroupent en lieux de vie différents alors qu’autrefois ils se croisaient tous les jours. -Contrefeux bien modestes, il y a l’idée d’Anne Hidalgo de contrôler Airbnb qui confisque les logements au centre-ville parisien, ou celle intéressante de Claude Bartolone d’assurer les transports en commun jour et nuit pour faciliter les sorties du soir des péri-urbains en centre-ville. Ce qui est sûr c’est qu’un maillage de transports en communs dense et ramifié est une condition essentielle de la citoyenneté. - Encore plus grave à mon sens, en dehors des grandes villes, il y a la question de la structure territoriale. Je pense que notre pays meurt des agglos, des agglomérations de communes, ce qu’on appelle intercommunalité. Avec le système des agglos, partout les communes périphériques étouffent la commune historique : elles ont des surfaces à offrir, accueillent les entreprises, les entrepôts, les chaînes commerciales, mais aussi les nouveaux lotissements d’habitation, tandis que la commune historique est coincée dans ses murs, finance l’improductif, services administratifs, et patrimoine culturel. Elle se désertifie, offrant un spectacle déprimant. Y demeurent la bourgeoisie et les professions libérales, qui occupent les quelques hôtels particuliers, les intellos, les vieux et quelques commerçants mais les autres, en gros la petite classe moyenne, la fameuse masse qui grogne, habitent les communes périphériques où se trouve le Panthéon des loisirs modernes : les enseignes alimentaires, de vêtements, de bricolage, de sport, de restaurants pas chers…parfois même le cinéma multisalles transféré du centre-ville. Là encore les populations différentes ne se rencontrent plus. Quant aux maires des petites communes des agglos, ils sont payés « au lance-pierre » et sont donc souvent « ceux qui ont le temps » , des retraités, des enseignants, mais qui doivent pourtant être experts en matière d’éducation, de voirie, de transport, de culture, de finance….L’agglo se contente de mutualiser certains services, sert des revenus additionnels à ces maires trop mal payés, mais n’est pas assez unie pour retenir les grands services publics et développer de vrais réseaux de transports en commun. En bien, alors que beaucoup sont pour réduire le champ des agglos je suis au contraire pour transcender cette évolution de toute façon inévitable. Ne peut-on pas imaginer une gestion plus juste et professionnelle de ces macédoines de communes, en fédérant les agglos en villes plus grandes, avec des maires à plein temps, pros de la ville, rémunérés et influents, épaulés de cadres réellement experts de leur domaine… Il y a 10 000 communes en Allemagne, et 35 000 en France, cherchez l’erreur… Ces regroupements rapprocheraient les agglos du modèle des grandes villes qui ont bien moins de problèmes … Et de fait nous le savons bien : plus les villes sont grandes, moins elles votent pour Trump, le Brexit , Le Pen, et les autres populistes. -encore un autre moteur de la perte du sentiment citoyen : la prolétarisation des enseignants, notamment dans le Primaire. Jusqu’aux années 60, l’instituteur était le 3eme notable du village après le maire et le curé. Tout en étant progressistes, parfois « bouffeurs de curés », les instituteurs n’en étaient pas moins fiers d’incarner l’idéal républicain et ils le communiquaient naturellement aux jeunes si perméables à cet âge. Or à la différence de l’Allemagne , la France s’est mise à mal payer ses instituteurs, à les prolétariser, et il est probable que le doute sur la société qui en résulte, diffuse naturellement dans leur discours quotidien et la vision de l’avenir qu’ils communiquent aux jeunes. C’est pourquoi a minima je suis pour le RIC… le Retour de l’Instruction Civique… et un travail de remotivation de la population enseignante. - Puisqu’on parle des jeunes, je cite encore la quasi disparition des colonies de vacances et celle du service national, qui étaient des moments fort de croisement des classes sociales. - Enfin il y a une explication un peu effrayante à la perte généralisée de l’appartenance citoyenne : voilà bientôt 75 ans que nous sommes en paix. Or Hegel affirme qu’un état ne fait pas la guerre pour défendre ses frontières mais en réalité pour exister en tant qu’état. Sans menace forte ou ennemie, les entités qui composent un peuple finissent par croire qu’elles n’ont pas besoin de l’état. Ce n’est pas un hasard si le programme si ambitieux du CNR fut conçu et accepté en pleine guerre. Ce n’est peut-être pas un hasard non plus si François Hollande et Manuel Valls ont posé le terrorisme comme une authentique guerre. Cela leur a peut-être évité le mouvement auquel nous assistons aujourd’hui. « il nous faudrait une bonne guerre » disait mon grand-père. Alors…au terme de ce catalogue des carburants de l’anti-citoyenneté, incomplet mais déjà bien lourd, j’ai conscience d’avoir ouvert bien peu de pistes de correction du désastre. Il y a pourtant des idées en l’air. Je vous invite notamment à lire Raphael Glucksmann, déjà cité, dont je partage le diagnostic …moins le programme… quasi présidentiel… et porté par son nouveau parti politique « Place Publique ». Déjà il dit quelque chose de fort : il n’y a aucune continuité entre l’individu et le citoyen. Il faut mourir en tant qu’individu, pour aller vers cette abstraction qu’est le citoyen. Comme on meurt en tant que profane pour être maçon, comme si l’individualisme c’était nos métaux. Le chapitre suivant liste des recommandations en vue de rétablir la citoyenneté 2) RETABLIR LE SENTIMENT CITOYEN 2.1) Démocratie plus représentative - Plus de proportionnelle - Reconnaître le vote blanc - Rendre le vote obligatoire - Payer l’impôt au premier euro de revenu - Revisiter l’idée fusionner Le Sénat et le Conseil Economique et Social et en faire un lieu d’alimentation et de contrôle de la Démocratie. - Etudier sérieusement l’idée d’un Revenu de Base Universel se substituant aux multiples aides actuelles. Il pourrait être assorti de l’obligation de participer à la vie publique. 2.2) L’entreprise dans la représentation nationale L'entreprise ( pas le Medef !) doit alimenter les élus et le gouvernement. Elle devrait figurer formellement dans la représentation nationale 2.3) Une authentique gouvernance européenne Le bon niveau –technique- pour changer le monde c’est l’Europe et une authentique gouvernance européenne. L’Europe est la victime du péril individualiste, dans tous les états membres...Or les flux sont au moins européens sinon mondiaux...le local est quasi ridicule en terme de pouvoir d'action...L'Europe est donc de fait le périmètre de travail adapté et nécessaire pour changer.


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