Y a-t-il d'autres points sur la démocratie et la citoyenneté sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
Madame, Monsieur, Je suis une citoyenne de 27 ans, originaire du département du Cher, et issue d'un « milieu social défavorisé ». Mon unique contribution au grand débat sera cette proposition en ligne, et concerne la démocratie et la citoyenneté. Néanmoins, à titre préliminaire, je souhaite insister sur le fait qu'aucun combat n'a de sens si la problématique de l'environnement n'est pas prioritaire. Tout s'accélère, l'effet domino est souligné par des spécialistes. N'ignorons pas ces alertes comme nous avons dédaigné celles des scientifiques des années 1970. Je n'ai pas de compétences particulières en la matière, il m'est donc difficile de faire des propositions. Mais je crois comprendre, et percevoir par le niveau des températures ces dernières années qu'il y a URGENCE. I. « Liberté, égalité, fraternité » : L'article 1er de la Constitution de la Ve République assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens. Pour autant, il existe une forte problématique d'égalité des conditions. La France semble ne pas accepter l'altérité. Ex : nous avons du mal à intégrer les habitants des banlieues, une femme qui sort de chez elle est la cible de bruitages récurrents (en ville), etc. Ne pas avoir la peau blanche, être une femme, rend plus « autre » que « même ». Égalité des sexes : Parmi mes expériences personnelles, en tant que femme : - Le milieu du travail, dans les bureaux d'entreprises industrielles. J'ai connu plusieurs services RH d'environ 20 personnes, organisés en open space. Les hommes ne sont pas dans l'open space, ils ont des responsabilités, ils sont dans les bureaux vitrés (au maximum, j'ai vu 2 homme présents en même temps dans l'open space). Les femmes sont minoritaires dans les bureaux. Quand vous êtes dans l'open space, vous visualisez bien que vous êtes du mauvais sexe. - La rue. Je me sens objet, tel une voiture dans un garage, on me commente, on m'apprécie, on m'invective. Je me sens dans la jungle, ce ne sont pas des mots qu'on m'adresse, ce sont des bruits. Ça se rapproche plus du chien qui jappe, ou du singe qui cri, que de l'homme qui parle, particulièrement quand l'invective vient d'un groupe. L'été dernier, à 8h30 du matin, je commençais ma journée, je marchais. Une terrasse d'un bar était en train d'être dressée. Le livreur de l'établissement avait fini de décharger son camion. La place est silencieuse. Et une phrase a déchiré ce calme matinal « Si ça c'est pas un appel au viol ». Je me retourne. Le livreur me regardait, il riait. Comme à chaque fois, je ne faisais que marcher, je ne faisais qu'utiliser ma liberté d'aller et venir. Depuis plus de 3 ans j'ai changé ma façon de m'habiller, rien n'y fait. (Aussi, et pour la première fois, cette fois là, je me suis plainte. J'ai informé le responsable de l'établissement. J'ai été très mal reçue). Les femmes ne sont pas libres lorsque, dès qu'elles sortent de chez elles, elles sont dans l'attente anxieuse de la première altercation verbale sur le trajet qu'elles doivent réaliser. Propositions : - la formation, dans tous les milieux professionnels. Notamment, une formation à la réaction lorsqu'une personne est témoin de cette discrimination en raison du sexe, et une formation à la réception de la plainte de la victime (pour déconstruire l'idée que c'est normal, que ça « aurait pu arriver n'importe où », que « ce n'est rien de grave », qu'elle n'avait qu'à pas avoir « de si beaux yeux »). Si ce comportement est « normal » en France, ce n'est pas le cas de tous les pays. Dans de nombreux pays d'Europe les jeunes femmes ne connaissent pas cette attente anxieuse. - l'éducation : la famille et l'école ont un rôle à jouer. Un citoyen ne peut commenter l'apparence d'un autre citoyen, en lui criant son commentaire (de façon animale ou humaine). Ce n'est pas poli, au sens étymologique du terme. La polis c'est la cité, composée d'une communauté de citoyens. L'impoli s'exclut de la cité. La vie en commun, en cité, suppose de ne pas imposer aux citoyens de sexe féminin de pouvoir voir leur physique commenté en permanence. Ce b.a.-ba de la cohésion sociale doit être enseigné aux générations à venir. Égalité des chances : On retourne aujourd'hui à une société d'héritiers. L'héritage perturbe le jeu méritocratique. Quand on décompose le patrimoine des ménages français, en regardant : ce qui vient des donations et des héritages passés / et ce qui vient de l'épargne des individus, on constate que : dans les années 1970, un tiers de la richesse venait de l'héritage et deux tiers venait de l'épargne. Aujourd'hui, le rapport a changé : un tiers vient de l'épargne et deux tiers viennent de l'héritage. Pour Nicolas Frémeaux : « Aujourd'hui, même être très bien payé ne suffit plus pour être riche : dans les années 1970, on avait 30% de chances de faire partie du 1% le plus fortuné grâce à ses revenus, contre 14% désormais ». De plus, selon l’OCDE, il faut en moyenne six générations pour passer de l’état de grande pauvreté au salaire médian. Il faut donc réduire la fracture patrimoniale. Proposition : Une refonte de la fiscalité des successions devrait être envisagée, même si cette mesure sera impopulaire. Autre sujet : Les sans domicile fixe : 1/4 des SDF est passé par l'aide sociale à l'enfance. Et 30% des SDF ont un trouble psychique. Les causes de cette précarité extrême sont donc facilement identifiables. Proposition : améliorer notre dispositif de protection de l'enfance, comme notre prise en charge des troubles psychiatriques, ce qui aurait un effet immédiat sur le nombre de personnes qui sont à la rue. Par exemple, pour l'aide sociale à l'enfance, il serait nécessaire d'éviter une sortie brutale du dispositif d'aide à 18 ans. Un dispositif d'insertion sociale devrait finaliser la prise en charge de ces adolescents (à l'image des peines de prison fermes dont le reliquat final bénéficie d'aménagements pour favoriser la réinsertion sociale. Pardonnez-moi cette comparaison maladroite, mais il s'agit toujours d'aménager la fin d'une période dont on sait que l'issue imposera un changement brutal à la personne.). II. Démocratie : - Le pouvoir législatif : - Proposition 1 : Moins d'élus, au Sénat et à l'Assemblée nationale. Et pour faire remonter les problématiques de terrain (et éviter un exercice du pouvoir déconnecté) <U+2192> la création d'une assemblée de citoyens. Cette assemblée pourrait fonctionner sur le modèle des convocations aux sessions d'Assises, par un tirage au sort sur les listes électorales. Il s'agirait de citoyens de chaque département qui, en contact avec le « terrain » dont ils sont des composantes, pourraient faire remonter des problématiques concrètes, et formuler des propositions. L'assemblée serait permanente, mais les citoyens qui la compose ne siégeraient que quelques jours (15 jours par exemple, le temps nécessaire pour mettre en forme leurs propositions afin qu'elles puissent être discutées par le Parlement). - Proposition 2 : Le RIC pourrait permettre le dépôt de propositions citoyennes. Le Parlement ne pourrait en modifier l'idée directrice, il devrait se contenter de réaliser un travail technique d'intégration correcte dans l'arsenal législatif. Cet exercice participatif de la démocratie réinvestirait les citoyens. - Les médias : Les initiatives citoyennes existes, partout. Mais la télévision ne montre aux citoyens que des événements négatifs, inquiétants, voire dramatiques. Or l'anxiété, provoque le repli, nuit à la confiance et à l'espoir. La démocratie connaît une grave crise de confiance. Proposition : Les programmes télévisuels pourraient intégrer et présenter ce qui se fait de bien, à l'échelle individuelle, collective, territoriale, etc. Il s'agirait de montrer des projets innovants, ou simplement des idées qui fonctionnent. Cela contribuerait à donner un horizon d'espérance à un monde qui perçoit l'avenir comme très sombre. Autre sujet, plutôt relatif à la fiscalité : la France à un fort taux de redistribution, mais le différentiel entre les sommes prélevées et les sommes redistribuées est trop important (en comparaison à d'autres pays). Proposition : réduire les frais de fonctionnement de notre système de redistribution.
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