Intégralité de la contribution intitulée "Faire mieux vivre la démocratie"
Voici l'ensemble des réponses fournies par un contributeur du site officiel aux questions du thème Démocratie et citoyenneté le 1 février 2019 à Gambaiseuil .

En qui faites-vous le plus confiance pour vous faire représenter dans la société et pourquoi ?
En temps normal, ce rôle incombe aux députés. Mais le fossé s'est creusé entre eux et les électeurs au point qu'aujourd'hui, seuls les maires ont une légitimité populaire effective.

En dehors des élus politiques, faut-il donner un rôle plus important aux associations et aux organisations syndicales et professionnelles ?
Non

Si oui, à quel type d'associations ou d'organisations ? Et avec quel rôle ?
Bien que j'aie répondu à la question précédente par la négative, permettez-moi de clarifier ma pensée : Je fais une distinction entre les associations et les organisations syndicales et professionnelles. A mon sens, les premières sont sur-représentées car elles naissent d’intérêts catégoriels très particuliers bien souvent assez éloignés des préoccupations de l'ensemble de la nation, tandis que les secondes procèdent très souvent de la défense d’intérêts généraux plus objectifs. et me semblent avoir une représentation acceptable telle qu'elle est aujourd'hui. il y a trop d'associations qui interfèrent avec le fonctionnement démocratique. Beaucoup d'entre elles sont animées par des intérêts particuliers , corporatistes ou dogmatiques, qui influencent beaucoup trop les décisions (ou non décisions) d'un monde politique trop épris de plaire et de donner des gages de ""pureté morale"". Si l'on ajoute que les médias renforcent le pouvoir de pénétration d' idées associatives souvent provocatrices, manichéennes, communautaristes, et faussement populaires, il ne faut pas s'étonner que le ""Français moyen"", beaucoup plus perceptif qu'on ne le laisse entendre, se sente exclu d'un processus où son sort devient secondaire. En revanche, des organisations syndicales et professionnelles, ou très représentatives de la société civile pour défendre des sujets d'intérêt commun objectifs ,régionaux ou nationaux, ont leur place dans un débat démocratique. qui, en tout état de cause, serait bien mieux conduit par des organisations structurées que par des manifestations de rue. Rien ne sert donc d'en multiplier le nombre, il suffit de les utiliser à bon escient en fonction de la thématique du moment pour relayer l'opinion populaire. .

Que faudrait-il faire pour renouer le lien entre les citoyens et les élus qui les représentent ?
Redonner vie à la ""res publica"" qui est tout sauf publique. Aux yeux du peuple, elle apparaît plutôt comme une affaire d'initiés. La chaîne de transfert vers le sommet de l'Etat des informations relatives à la vie publique, celle des Français, est interrompue depuis que : - les élections des députés ont été synchronisées avec les élections présidentielles. L'idée de donner une majorité parlementaire stable à un président nouvellement élu n’était pas mauvaise en soi mais elle ne prenait pas en compte un phénomène nouveau , l'élection négative, consistant plus à voter contre les candidats dont on ne veut pas que pour le candidat finalement élu. Ce comportement des électeurs les conduit à plus de volatilité, plus d'exigence, plus d'impatience envers un président dont au fond ils ne veulent pas. Les élections négatives ne font que des déçus mais il s'agit d'une tendance de fond depuis une vingtaine d'années qui ne va pas s'inverser demain. - les députés nouvellement élus, abrités derrière leur mandat, se tournent plus vers l'Elysée pour prendre leurs instructions que vers leurs électeurs qu'ils connaissent en réalité très peu malgré leurs dénégations. - les partis traditionnels, de gauche et de droite, ont volé en éclat. Leurs structures garantissaient une certaine assurance de consultation permanente des électeurs à travers leurs sympathisants mais aussi leurs dirigeants régionaux et nationaux très souvent titulaires de fonctions territoriales. - les partis protestataires, populistes, ont capté tout le mal-être d'une grande partie des Français, sans pouvoir participer de manière active à l'élaboration d'une politique nouvelle tenant compte des aspirations légitimes exprimées par la fraction la plus raisonnable de leurs électeurs. Redonner une dynamique à nos institutions doit donc en passer par un découplage des élections présidentielle et parlementaire. Le modèle américain donne une bonne illustration du pouvoir que conservent les électeurs de changer la majorité de la chambre des représentants pour faire savoir au président, par les urnes et non la rue, que son action leur paraît inopportune et qu'il doit amender sa politique. Il existe plusieurs variantes possibles pour un système compatible avec la spécificité française mais, en tout état de cause, il ne serait pas judicieux de revenir au septennat car les Français sont demandeurs d'une dynamique de succession plus grande. Après tout, si un président a donné satisfaction au terme de son mandat, les Français sauront bien le reconnaître et ne manqueront pas de le réélire. Les urnes doivent donc reprendre l'ascendant sur la rue qui pendant les premières semaines de manifestation n'a fait que traduire le besoin des Français d'être enfin entendus. Une saine communication entre le gouvernement et les électeurs est donc nécessaire pour que son action soit mieux comprise. Les sujets traités sont souvent très complexes, typiquement en matière économique et fiscale, et nécessitent une pédagogie aujourd'hui totalement déficiente. Si l'on ajoute à cette absence patente d'explication pédagogique, la désinformation systématique émanant de certains partis trop dogmatiques ou trop mal conseillés, ainsi que les interventions médiatiques souvent anxiogènes à dessein et déficitaires en analyses de fond, les Français sont laissés à eux-mêmes pour se forger une opinion sans en avoir nécessairement les moyens. Il ne faut alors pas s'étonner que de fâcheux contresens soient commis ou que des décisions de l’exécutif, au demeurant bien orientées, demeurent incomprises et contestées. Sans mentionner l'effet pervers des réseaux sociaux dont la résonance crée un brouillage préjudiciable à la clarté du jugement individuel. La pédagogie commence à l'école et doit suivre ensuite au cours de la vie citoyenne par des échanges systématiques avec le corps institutionnel constitué des maires et des députés. Le Référendum d'Initiative Populaire ne saurait constituer une réponse institutionnelle valide à la demande populaire de vivre une démocratie plus directe. En soi, le concept de RIP semble attractif mais en réalité il risque vite de devenir dans notre pays un outil de censure, de division des électeurs à l'instigation d'une minorité agissante aux visées pouvant confiner pour certains à la subversion. La représentation parlementaire doit demeurer la voie de la sagesse pour incarner le peuple et répondre à ses interrogations et attentes. Il suffit d'en adapter et institutionnaliser les modalités de fonctionnement à une consultation des électeurs plus fréquente et surtout plus efficiente. Le RIP ne saurait constituer la bonne réponse à la demande populaire de vivre plus de démocratie. Il ne fera qu'apporter entropie et dissension parce que l'outil sera utilisé à d'autres fins. Ce qui marche en Suisse ne marchera pas en France.

Le non-cumul des mandats instauré en 2017 pour les parlementaires (députés et sénateurs) est :
Une mauvaise chose

Pourquoi ?
Parce qu'elle a favorisé l'émergence de représentants ""hors-sol"" qui n'ont pas appris à se tourner naturellement vers leurs électeurs, puisqu'une fois élus, ils les ont mis entre parenthèses, sinon dans les faits, tout au moins dans l'esprit. Evidemment, posséder deux mandats ne signifie pas en avoir à foison. Tout est dans la juste mesure.

Que faudrait-il faire pour mieux représenter les différentes sensibilités politiques ?
Mettre une dose de proportionnelle plus grande tout en évitant les errements de la quatrième république et ses majorités éphémères ou introuvables. La France n'a pas la fibre consensuelle germanique. Les diverses commissions législatives pourraient, en revanche, s'entourer d'avis contradictoires plus divergents afin de tenter, jusqu'à un certain point, de refléter un arc de sensibilité plus large.

Pensez-vous qu'il serait souhaitable de réduire le nombre d'élus (hors députés et sénateurs) ?
Oui

Si oui, lesquels ?
L'abandon du bicaméralisme n'est pas pour demain. Donc, s'il est souhaitable de réduire le nombre d'élus (ce qui reste à argumenter) la réduction doit être analogue dans les deux chambres. Réduire uniquement le nombre de sénateurs serait dénaturer sa vocation sauf à la redéfinir de manière malthusienne; mais alors autant le supprimer en veillant au préalable à mettre en place des compétences institutionnelles qui viendraient à faire défaut. Je pense plus particulièrement à la sensibilité territoriale, bien mise à mal depuis des décennies, et les réformes constitutionnelles qui méritent une analyse critique sachant résister à l'empressement naturel du pouvoir en place. Le nombre de députés est une chose, leur absentéisme en est une autre. La nation n'a que faire de représentants qui briguent des mandats, puis, une fois élus, brillent par leur absence dans l""hémicycle, ou ne participent pas activement aux travaux en commissions.

Que pensez-vous de la participation des citoyens aux élections et comment les inciter à y participer davantage ?
Elle est insuffisante car les Français ne se sentent pas suffisamment concernés par le processus des élections. La pompe se réamorcera une fois qu'ils auront repris confiance dans les institutions et dans les mécanismes d'information et débats indispensables à l'exercice d'une démocratie éclairée. La démocratie serait plus juste si, en plus du bulletin de vote, on donnait à l'électeur la connaissance nécessaire à une compréhension suffisante pour bien juger des enjeux politiques. Cette connaissance des sujets permettrait à l'électeur de mieux étayer son opinion, de ne pas tomber dans l'adhésion, contraire de la réflexion, ou dans la défiance systématique.. Le député doit demeurer le maillon fort de la chaîne de confiance et d'échange avec l'exécutif. C'est cette rupture qui amène beaucoup de Français à réclamer une démocratie plus participative , pourtant extrêmement difficile à mettre en oeuvre sauf à tomber dans la cacophonie, le désordre et par dessus tout l'inefficacité, avec comme résultat final la déception et la rancœur.

Faut-il prendre en compte le vote blanc ?
Non

Que faudrait-il faire aujourd'hui pour mieux associer les citoyens aux grandes orientations et à la décision publique ? Comment mettre en place une démocratie plus participative ?
Les moyens de communication électronique modernes sont à même de faciliter la mise en oeuvre d'une démocratie consultative. Encore faut-il savoir ce que l'on attend du jugement du citoyen. Une orientation? Un avis? Une décision? Une nation ne saurait être dirigée dans un climat d'incertitude permanent qui ne manquerait pas de résulter de la volatilité naturelle des individus, de leur tentation à censurer les dirigeants quel que soit le sujet, de leur manque de jugement ou de leur absence de connaissances indispensables à traiter certains sujets techniques ou complexes. Il ne faut pas non plus vouloir à tout prix dénaturer la vocation première du chef de l'Etat qui doit être de conduire la nation de manière la plus avisée possible. A lui de s'entourer des experts qui lui apporteront l'éclairage nécessaire à de saines décisions qu'il s'efforcera d'expliquer en respectant le pouvoir législatif. Cependant, cela n'exclut pas de tester l'opinion des électeurs sur un certains nombre de sujets vitaux. Le moment le plus opportun est celui de la déclaration du programme du candidat. Coller à un programme est important. Y coller trop peut être dangereux si le président a été nommé à la suite d'élections négatives (voir plus haut). Des tests de pertinence devraient être systématiquement conduits par les députés dont le travail à la croisée du peuple et de l'exécutif devrait leur permettre d'identifier les sujets sensibles nécessitant clarification. Il n'est pas normal d'avoir à bloquer un rond point pour se faire entendre. C'est le signe d'une faillite totale en matière de communication sociale. Identifier les thèmes vitaux pour les Français n'est pas bien compliqué, à condition de le leur demander. Le meilleur niveau est la commune puis la circonscription. La synthèse est un exercice toujours difficile mais nécessaire si l'on veut allier démocratie et efficacité. Une ""synthèse opérationnelle"" pourrait être accomplie à l'échelon de la région afin de faciliter le travail d'affinage final à entreprendre par l'exécutif qui pourrait porter les sujets en question sur les pupitres des députés et sénateurs. Ainsi le processus démocratique pourrait s'opérer avec plus de fluidité et de sérénité. Il partirait du recueil des avis populaires, et non plus de doléances qu'il faudrait bannir du vocabulaire d'une démocratie apaisée; ceux-ci seraient ensuite distillés par étape pour en extraire un produit raffiné, exploitable par les dirigeants de l'Etat, à leur convenance, au terme de débats contradictoires avec les parlementaires. La vertu du système serait, bien sûr, de consulter le peuple sur des sujets d'intérêt général, de valider la pertinence des avis, d'en faire une synthèse exploitable par le gouvernement qui serait libre des conclusions à donner à la consultation après avoir explicité ses choix aux représentants du peuple. Maquillage, diront certains. Pourtant, il serait encore plus pernicieux de suivre à la lettre l'avis populaire, par pur calcul démagogique, car le risque de conduire le pays dans une mauvaise direction serait alors grand. Au contraire, la consultation permettrait de mettre en évidence les cheminements erronés et les risques encourus de les suivre. Elle permettrait de les mettre en perspectives du programme initial soumis à la dure loi de la réalité, et de faire acte de pédagogie, et ce faisant, acte de respect envers le peuple des anonymes, cette fois-ci écoutés.

Faut-il faciliter le déclenchement du référendum d'initiative partagée (le RIP est organisé à l'initiative de membres du Parlement soutenu par une partie du corps électoral) qui est applicable depuis 2015 ?
Non

Que faudrait-il faire pour consulter plus directement les citoyens sur l'utilisation de l'argent public, par l'Etat et les collectivités ?
Faire circuler à tous un projet de budget au niveau pertinent (Etat, Région, Département, Commune) suivi d'un forum d'échange électronique pour capter les interrogations et y répondre à travers un bulletin ou une réunion ad hoc. Les communes sont souvent exemplaires pour expliquer leur budget, leurs choix en matière de fonctionnement et investissements, les difficultés rencontrées pour boucler leurs finances, et les thématiques chères aux électeurs (santé, école, cantine, aménagements, vie sociale, assistance aux personnes âgées...). Il suffit d'adapter les agrégats et les sujets à chaque niveau de collectivité jusqu'à l'exécutif qui aura ainsi une occasion en or d'expliquer les enjeux macro-économiques tant ignorés ou incompris des Français. Mais qui leur explique vraiment ce qu'est le budget de la nation, pourquoi la France affiche un tel déficit, qui le finance, pourquoi le chômage baisse si lentement, pourquoi nos investissements industriels sont si faibles alors que l'Allemagne en fait une quasi raison d'être...?

Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental, doivent-elles jouer pour représenter nos territoires et la société civile ?
La réponse à cette question est incluse dans ce qui précède et qui suggère une interaction beaucoup plus forte entre les électeurs et leurs représentants directs et indirects, vraisemblablement à travers des fora électroniques suivis de réunions physiques pour formuler une ébauche de synthèse, la chose la plus difficile à faire.

Faut-il transformer [nos assemblées, dont le Sénat et le CESE] ?
Oui

Si oui, comment ?
Je ne sais s'il faut les transformer organiquement, mais il faut surtout en changer l'esprit et rappeler chacun des membres institutionnels à ses impérieuses obligations de servir la nation et de ne pas se contenter, une fois élu ou nommé à des postes prestigieux, de jouir de ses prébendes, ce que dénoncent avec amertume les gens du peuple. Servir l'Etat n'est pas un privilège sans contrepartie; c'est un honneur fait par les citoyens à une élite. Celle-ci doit apprendre à être comptable de ses obligations avant de l'être de ses droits. Je devrais dire réapprendre , car en d'autres temps, les grands commis de l'Etat avaient conscience de leur valeur mais dans le même temps, ils savaient imposer le respect au peuple par leur engagement et leur éthique à bien accomplir leur mission. Cet état d'esprit s'est perdu en partie. Je tiens à ajouter que les citoyens français apprécieraient sûrement une proximité plus grande avec leurs dirigeants dans le cadre d'une délégation de pouvoir élargie qui serait confiée à une entité territoriale plus proche des préoccupations individuelles, telle que la Région. Un électeur se sent plus proche de son maire que d'un ministre. Sans aller vers un modèle fédéral à l'allemande, pourtant souhaitable mais contraire à l'histoire institutionnelle de notre pays, confier à la Région des pouvoirs traditionnellement centralisés dans les ministères redonnerait de la visibilité aux Français sur la façon de gérer le bien commun à une échelle plus humaine et plus abordable que celle de l'Etat. Il va de soi que sans autonomie budgétaire, comme c'est le cas aujourd'hui., ce concept ne présente que très peu d'intérêt. En outre, ne perdons pas de vue qu'un élément fondamental de discorde nationale réside dans l'attitude résolument distante des élites politiques. L'attitude classique d'un ""techno"", d'un ministre, d'un porte-parole du gouvernement, aboutit par son langage stéréotypé et ses effets de manche, à creuser d'emblée un fossé culturel et social entre le citoyen ordinaire et lui. Ce manque de simplicité, cette distanciation, cette affectation du comportement couplée à une ironie omniprésente, constituent une cause de dissension nationale bien plus forte que nos institutions, en soi pas si mauvaises, mais qu'il faut faire vivre autrement. Le jour où les prétendants aux charges les plus importantes de l'Etat en prendront conscience et modifieront leur comportement vers plus de simplicité, d'authenticité et de respect, alors un grand progrès sera accompli pour rapprocher gouvernants et gouvernés.

Que proposez-vous pour renforcer les principes de la laïcité dans le rapport entre l'Etat et les religions de notre pays ?
Difficile question car l’expression de certaines religions pour leurs fidèles les plus fondamentalistes, ne saurait s'accommoder d'une séparation entre vie civique et vie religieuse. Quand le religieux et le divin dictent les principes premiers de vie d'une communauté, il est bien difficile d'imposer à ses disciples les plus fidèles d'y substituer d'autres principes, laïques en l'occurrence, dont certains peuvent être en contradiction avec ceux qu'ils appliquent. La liberté de croyance est un droit absolu qui ne saurait souffrir de contestation à partir du moment où l'exercice de ce droit ne vient pas heurter les droits fondamentaux suprêmes de la société qui héberge cette communauté.. Si la communauté en question perdure dans une ligne susceptible de conduire à des frictions voire des problèmes de cohabitation pouvant aller jusqu'à des actes incivils et criminels, la société risque alors la désagrégation et la partition. Il peut s'agir de partition par quartier, par ville,, un jour par zone plus élargie. On parlera de ""libanisation rampante"" avec tous les dangers potentiels d'affrontement liés à cette désagrégation sociétale. Deux catégories d'extrémistes sont à considérer : d'un côté, la masse des honnêtes fidèles mus par le respect intangible de leurs idéaux religieux, et de l'autre, les promoteurs d'un radicalisme forcené, une sorte d’irrédentisme intellectuel et religieux, à des fins pures pour certains (le retour aux valeurs historiques premières de leur foi par exemple, si tant est qu'il soit raisonnable d'y prétendre), dans un but politique subversif pour d'autres. Je pense que la manière la plus tolérante pour tous d'apporter une solution à ce problème, consiste à maîtriser les ardeurs et le prosélytisme de ces derniers. Pour y parvenir, deux conditions impérieuses sont à remplir: - s'allier le plus grand nombre des fidèles raisonnables (il y en a beaucoup) en leur garantissant une liberté de culte la plus étendue possible en arrêtant son champ d'exercice là où les us pourraient avoir un impact négatif sur la liberté civile du reste des citoyens ne se sentant pas concernés par la religion en question. - La deuxième condition consiste à être intraitable avec les éléments dispensateurs de discorde nationale. Un prérequis à la mise en oeuvre de ce projet salvateur consiste pour l'exécutif à avoir le courage de le faire. Propos trivial peut-être, mais véritable préoccupation pour le peuple qui s'inquiète chaque jour un peu plus de l'inaction de l'Etat face à la menace grandissante d'une dangereuse désagrégation sociale. L'exécutif pourrait alors consulter le peuple par référendum sur cette question à la sensibilité exacerbée, afin d'y puiser le courage qui lui a fait défaut jusqu'à présent. Personne n'ignore que le communautarisme n'est le fait que d'une petite minorité agissante qui, avec d'autant plus de hardiesse qu'elle jouit d’une coupable impunité, impose ses idées sécessionnistes à l'ensemble de sa communauté réduite à la passivité, la culpabilité et la peur. Il faut donc redonner espoir à ces gens en les soustrayant à l'influence pernicieuse d'une minorité et en leur permettant de définir conjointement avec l'Etat les conditions du libre exercice de leur culte compatible avec les lois de la République. Il est crucial que l'Etat n'intervienne pas dans la définition de celles-ci. Il doit se contenter d'en valider la compatibilité avec les libertés générales de la République. On se doute bien que l'amoncellement historique de préjugés, d'idées reçues, de préventions de toute sorte, parfois de haine, est suffisamment fort, de part et d'autre, pour malmener les meilleures intentions du monde et faire capoter le projet . La situation actuelle n'est pas le résultat d'un simple regain de foi religieuse. C'est un acte politique d'une communauté déçue par une intégration manquée. Quand on ne peut participer à la vie sociale d'un pays, alors on se replie sur soi. Le projet ne peut donc se contenter de traiter le religieux. Il doit aussi traiter le social qui doit devenir le fond de décor de la refonte du militantisme religieux. Le projet social est complexe car, pour être efficace, il devrait traiter des sujets laissés en jachère depuis des dizaines d'années. Mais l'éluder vouera le projet général à l'échec. Il est donc impérieux de traiter, entre autres, les sujets suivants : éducation et égalité des chances, chômage des jeunes des banlieues ( les statistiques françaises en la matière sont effroyables), formation et apprentissage plutôt que subventions éternelles, lutte contre le trafic de stupéfiants, restauration de l'autorité de l'Etat dans certains quartiers, programmes d'éducation civique pour favoriser les échanges entre jeunes et moins jeunes afin de faire sauter les murailles de haine et d'incompréhension érigées par tous au fil du temps, apprendre à mieux se connaître et partager des valeurs de tolérance mutuelle.

Comment garantir le respect par tous de la compréhension réciproque et des valeurs intangibles de la République ?
Les valeurs intangibles de la République ne seront comprises de tous que le jour où chaque citoyen aura la même compréhension des valeurs communes qui nous unissent. Ci-dessus j'ai exprimé comment refaire converger les communautés et les conduire vers une tolérance partagée. Mais cela prendra beaucoup de temps et obligera la Nation à offrir à chacun les mêmes chances d'affronter la vie. Cela commence par un pacte social visant à ressouder les morceaux désunis que sont devenus les sous-groupes de Français dont les plus connus sont la France périphérique, la France des banlieues, la France moyenne appauvrie, la France ""gentryfiée"", les élites diverses et variées.

Que faudrait-il faire aujourd'hui pour renforcer l'engagement citoyen dans la société ?
L'engagement citoyen dans la société varie d'une catégorie sociale à l'autre mais la mosaïque sociale est aujourd'hui totalement disloquée et ce qui manque c'est l'enthousiasme et la volonté de s'engager dans une société sans repère et sans horizon. C'est d'abord à l'exécutif de redonner du corps à un projet de vie commune qui serait pour les plus fragilisés le gage de l'espérance de retrouver une place dans la société. Des gens sans travail, sous-payés, déclassés, ignorés, surtaxés, retraités sous le seuil de pauvreté, jeunes n'ayant jamais connus le travail.... ne renforceront leur engagement qu'à partir du moment où ils verront une raison objective de le faire. il faut d'abord faire vivre la société comme un ensemble cohérent commun avant de demander l'adhésion de chacun. Aujourd'hui, les Français n'ont pas d'horizon et sont déboussolés. Pire, ils ont perdu espoir. Il est donc impératif de redonner l'espoir à travers un grand projet de vie commune et éviter un rapiéçage incertain en un siècle où de nombreuses évolutions techniques vont profondément altérer le devenir et engendrer un degré d'incertitude encore plus grand. On ne peut pas toujours s'adresser qu'aux plus forts et aux plus entreprenants (les Premiers de cordée); il faut aussi donner de la visibilité aux plus humbles qui, ne l'oublions pas, tiennent un rôle essentiel dans le fonctionnement pratique du pays.

Quels sont les comportements civiques qu'il faut promouvoir dans notre vie quotidienne ou collective ?
Inviter chacun à respecter l'altérité et tenter de ramener les comportements égoïstes vers plus de respect mutuel.

Que faudrait-il faire pour favoriser le développement de ces comportements civiques et par quels engagements concrets chacun peut-il y participer ?
Tout commence au sein de la famille , déstructurée ou pas, et suit à l'école. Certaines émissions de télévision sont particulièrement odieuses et n'encouragent pas certains téléspectateurs au civisme. Il est vrai que les médias ont leur part dans la désagrégation sociétale.mais gardons-nous d'y toucher. Les réseaux sociaux sont trop souvent un déversoir de haine et devraient être plus encadrés. Il faut aussi savoir que trop de gens apparaissent aux yeux des Français moyens, au-dessus de la mêlée. Il s'agit ,en vrac, des politiciens, journalistes, intellectuels, philosophes, experts en tout genre, sociologues... qui passent leur temps à décortiquer le passé immédiat, à critiquer et jeter l'anathème sur telle ou telle personne ou groupe d'individus, à parler du peuple qu'ils ne veulent surtout pas connaître, sans apporter de solutions pratiques au désarroi de la population. La moralisation des comportements anonymes commence d'abord par l'exemplarité des catégories sociales fortement médiatisées. Or, nous sommes loin du compte en ce domaine.

Que faudrait-il faire pour valoriser l'engagement citoyen dans les parcours de vie, dans les relations avec l'administration et les pouvoirs publics ?
Je pense qu'un citoyen normalement habité par la volonté de vivre en société n'a pas besoin de reconnaissance. Faudrait-il décerner un satisfecit à un jeune qui ne caillasserait plus un pompier en train de venir au secours d'une personne en difficulté.? On devrait plutôt s'interroger sur le terrible dévoiement des valeurs apparu depuis au moins vingt ans et sur leurs causes. Cependant, pour s'assurer de la pérennité d'un projet de vie commune qu'entreprendrait l'Etat, il pourrait être judicieux de mettre en exergue, pendant une durée significative, les comportements les plus civiques et honorer les acteurs les plus méritants, tout en se gardant de monétiser l'action ou d'en faire un nouveau concours télévisuel. Je pense que l'éclairage pourrait être aussi porté sur les personnes qui manifesteraient un engagement fort pour animer des débats citoyens et participer à des réunions de remontée d'informations et d'échange avec les représentants de la nation, maires, députés... dans le cadre d'un système de communication institutionnalisé dont j'ai parlé plus haut.

Quelles sont les incivilités les plus pénibles dans la vie quotidienne et que faudrait-il faire pour lutter contre ces incivilités ?
L'irrespect et l'agressivité envers autrui, notamment en voiture qui, à elle seule, constitue un remarquable condensé de tous les refoulements et dérèglements de la société française, à commencer par un individualisme forcené Les insultes et agressions à caractère racial. Celles adressées aux femmes. L'homophobie. Les appels à la haine via les réseaux sociaux.

Que peuvent et doivent faire les pouvoirs publics pour répondre aux incivilités ?
Éduquer et sanctionner.

Quel pourrait être le rôle de chacun pour faire reculer les incivilités dans la société ?
C'est une démarche louable dont le succès dépendra de la capacité de chacun à se forger une conscience morale à l'épreuve des instincts et des pulsions primales. Il parait évident au plus grand nombre qu'un pompier agit positivement pour la communauté. Cela n'empêche pas certains individus de les caillasser pendant leur service. Nous partons donc de très loin pour recréer les conditions d'une vie sociale apaisée. L'éducation est fondamentale pour conduire tout enfant à développer sa conscience morale mais il est impossible de le soustraire aux filtres parasites qui lui ternissent son jugement, souvent durablement. Faillite de la famille, échec scolaire et social, sentiment d'être marginalisé, abandonné, rejeté, honni, C'est la différence, l'inactivité, l'ennui qui corrompent durablement un individu. Il se réfugie alors par dépit dans la violence gratuite parce qu'il n'a pas pris conscience de l'importance de sa propre volition à changer son destin. Il faut alors que la société l'aide en s'assurant qu'il suit une scolarité normale, qu'il acquiert une qualification dans le métier de son choix, qu'un travail s'offre à lui sans discrimination, qu'il est poussé à le prendre et non pas à opter pour d'autres expédients plus rémunérateurs, que sa famille s'engage à l'accompagner positivement en contrepartie des prestations sociales reçues pour son éducation, en réduisant autour de lui le ""bruit social"" émis par un entourage pernicieux, par un milieu associatif aux menées obscures. La pauvreté et l'exclusion favorisent l'incivilité. Le superbe dédain des classes aisées à l'endroit des déshérités y contribue largement aussi.

Quelles sont les discriminations les plus répandues dont vous êtes témoin ou victime ?
Celles qui, depuis une vingtaine d'années, ne cessent d'enfler et de peser lourdement sur les femmes et leur dignité. Une société qui ne défend plus le droit des femmes à disposer d'elles mêmes, est sur le chemin de la régression sociale . Si les raisons en sont religieuses et que l'Etat ne fait rien ou fait semblant d'agir au motif illusoire de préserver la paix sociale, alors rien ne sert de s'interroger sur ce qui pourrait contribuer à une société apaisée puisque les fondements de la nôtre en seraient sapés à jamais.

Que faudrait-il faire pour lutter contre ces discriminations et construire une société plus solidaire et plus tolérante ?
L'Etat doit donc d'abord lutter impitoyablement contre toute forme de discrimination par des lois adaptées et surtout les faire respecter en ne faisant plus preuve de faiblesse morale ou électorale à chaque fois qu'un contrevenant est traduit devant la justice. En contrepartie, l'Etat doit mettre en oeuvre un programme de réhabilitation sociale fondée avant tout sur l'égalité de traitement de tous les citoyens, l'accès à un travail et à une juste rémunération.

Pensez-vous qu'il faille instaurer des contreparties aux différentes allocations de solidarité ?
Oui

Si oui, lesquelles ?
Des contreparties d'engagement personnel devraient être exigées. Cependant, il ne s'agit pas nécessairement de couper les vivres à des familles, par exemple, monoparentales, au faible revenu, incapables de protéger leurs enfants des prédateurs les entraînant sur la mauvaise pente. On sait très bien que le coupable n'est pas l'enfant mais le mauvais guide. On sait souvent qui il est et quel rôle il exerce dans la société. C'est à lui qu'il faut s'attaquer. Pour les adultes, une panoplie de sanctions devrait être mise en oeuvre pour ramener les contrevenants à plus de dignité. Ces sanctions pourraient prendre la forme d'un travail de solidarité et d'aide aux gens dans le besoin. Elles pourraient être le facteur déclenchant d'une prise de conscience individuelle salutaire.

Que pensez-vous de la situation de l'immigration en France aujourd'hui et de la politique migratoire ? Quelles sont, selon vous, les critères à mettre en place pour définir la politique migratoire ?
Une solution française à l'intérieur d'une Europe à la politique migratoire obscure et controversée dans beaucoup de pays (Ex-pays de l'Est,Allemagne, Italie...) n'a aucune chance d'être efficace. La France ne connaît en aucune façon le nombre approximatif d'immigrés entrés sur son sol. Sortir de l'Europe étant une ineptie totale, l'exécutif doit promouvoir une politique européenne avec au moins les pays riverains de la France pour mieux contrôler les flux. Que ce soit aux bornes de l'Europe des 27 ou d'un groupe de pays, les critères à prendre en compte devraient être les suivants : le migrant est-il un demandeur d'asile politique ou un réfugié économique? Les véritables réfugiés politiques devraient avoir un droit d'entrée à durée limitée mais reconductible au cas par cas, sous réserve de vérifier leur situation. Les autres demandeurs devraient être interrogés sur leur qualification à prendre des emplois restés vacants dans le pays car, en dépit du chômage, il y a actuellement beaucoup d'emplois non pourvus. il suffit d'interroger de nombreux artisans ou employeurs sur leurs difficultés à recruter. La préférence devrait aller à ceux qui parlent français et peuvent prendre immédiatement un poste vacant, le nombre d'immigrés acceptable devrait dériver de la capacité de la France (ou de l'Europe si les accords de Schengen sont maintenus aux bornes des 27 ou d'un groupe de pays plus réduit) à accueillir des populations allogènes en fonction du taux de chômage du moment, des capacités d'hébergement, du budget de l'Etat, aussi de certains facteurs socio-psychologiques et religieux pouvant affecter la cohésion de la nation. Pour être efficace, il convient de sortir de nos réflexes moralisateurs consistant à ouvrir la porte à tous en ignorant sur l'instant, et à dessein, l'impact que ces entrées auront sur le pays, puis plus tard, à blâmer l'Etat d'avoir mal contrôlé le chômage, la sécurité, la pauvreté, tout en feignant d'ignorer l'interaction qu'a pu avoir en son temps un manque de contrôle de l'afflux d'immigrés. La même question se pose à propos de la libre circulation des ressortissants européens quand des différences sensibles de revenu existent d'un pays à l'autre, en particulier, quand le pays hôte pratique une politique de redistribution sociale excessivement attirante qui devient alors une source supplémentaire de disparité au détriment du Français moyen. Les flux migratoires ont toujours existé. Les nier n'en changera pas l'intensité. Les intégrer de manière raisonnée à une politique générale de l'Europe aurait du sens à condition d'en définir clairement les grands principes qui seraient soumis in fine à l'appréciation des parlements nationaux.

En matière d'immigration, une fois nos obligations d'asile remplies, souhaitez-vous que nous puissions nous fixer des objectifs annuels définis par le Parlement ?
Il y a longtemps que cela aurait dû être fait, en France, et au niveau de Bruxelles pour l'Europe. Il faudra aussi bien expliquer aux Français pourquoi l'impact de nouveaux entrants est tolérable dans un contexte national où l'on ne cesse de dénoncer le poids du chômage, l'incapacité du tissu économique à créer suffisamment d'emplois pour tous les ressortissants déjà établis dans le pays, l'appauvrissement continu des classes dites moyennes, le poids sans cesse croissant de la dette publique...

Que proposez-vous afin de répondre à ce défi qui va durer ?
Sujet complexe qu'un citoyen ordinaire ne va pas régler alors même que les flux migratoires doivent être analysés mondialement et discutés entre pays ""émetteurs"" et ""récepteurs"", afin de les maîtriser sur la durée ainsi que leurs conséquences au niveau de chaque pays. L'Afrique devrait être incitée par un programme d'aide étroitement contrôlé à maintenir ses populations moyennant un développement économique approprié. La Chine qui ne manque pas une occasion de racheter des terres et des ressources minières sur le continent africain, ne semble pas avoir ouvert ses frontières aux ressortissants africains. De même que les pays riches de la péninsule arabique ne se battent pas pour aider l'Afrique. Ils préfèrent faire leur marché humain en Inde, Népal, Pakistan , Philippines, en fonction des qualifications requises par leur société, plutôt que par pure philanthropie comme on tente de le faire en Europe.

Quelles sont, selon vous, les modalités d'intégration les plus efficaces et les plus justes à mettre en place aujourd'hui dans la société ?
Faire entrer le juste nombre, éviter les repris de justice ou les perturbateurs avérés, leur faire apprendre le français, leur donner un travail avec l'obligation de le prendre et le garder pendant un temps minimum avant d'en changer, les loger décemment, les intégrer par une sensibilisation aux vraies valeurs de la société française .

Y a-t-il d'autres points sur la démocratie et la citoyenneté sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
Je ne sais ce que le gouvernement fera du catalogue de réponses apportées par les citoyens. Peut-être ne le sait-il pas lui-même à l'instant présent. La démarche est pourtant louable et mérite d'être saluée. Cependant, le débat crée des attentes et il serait dommageable à la cohésion de notre société, déjà fortement éprouvée, qu'il ne soit pas suivi d'un projet fédérateur à la mesure des enjeux.


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