Y a-t-il d'autres points sur la démocratie et la citoyenneté sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
1/ Améliorer l’écoute et l’expression des citoyens au niveau national
1.1 Améliorer l’expression des partis d’opposition
Par le mode de scrutin qu’elle a retenue pour les élections législatives, la constitution de la 5ème République a cherché à maximiser les chances pour un ou plusieurs partis politiques d’obtenir ou de constituer une majorité, donc l’assurance de faire voter leurs projets de loi sans trop de contestation.
Avec le changement important intervenu au printemps 2017 s’est ajoutée l’envie forte exprimée par l’exécutif de rendre le travail parlementaire plus efficace et plus rapide, une envie traduite en particulier par le projet de révision de la Constitution. Jamais les partis d’opposition n’ont autant ressenti leur éloignement de la décision publique. Nos concitoyens savent-ils déjà que :
- l’ordre du jour de l’Assemblée nationale est fixé par le gouvernement ;
- les propositions de loi présentées par les partis d’opposition n’ont aucune garantie d’être discutées tant les freins sont nombreux, par exemple en commissions ;
- le projet de révision constitutionnelle prévoit ou prévoyait de limiter le droit d’amendement aux projets de loi du gouvernement, proportionnellement à la taille des groupes parlementaires ?
Quelle image cela donne-t-il de la place laissée aux partis d’opposition et à leur expression ? Jamais la phrase d’André Laignel « Vous avez juridiquement tort car vous êtes politiquement minoritaire » n’a trouvé une aussi parfaite mise en œuvre. Je préférerais à cette phrase une autre formule dont l’application donnerait à l’opposition les moyens de s’exprimer largement, précisément parce qu’elle est numériquement minoritaire. Les freins qui existent actuellement à son expression l’empêchent de communiquer sur ses idées, ses projets et ses propositions.
Lui donner une plus grande visibilité ne présenterait aucun risque pour la majorité parlementaire. Elle ne manque pas de ressources pour s’exprimer, dans et hors du Parlement. Que n’a-t-on vu ses représentants s’exprimer sur tous les plateaux de télévision dans l’emballement médiatique favorable au parti présidentiel qui a suivi les élections législatives du printemps 2017 !! On pouvait alors compter les rares apparitions d’élus du PS, de LR et autres sur les plateaux. Le mouvement des gilets jaunes, brouillon, disparate, et la relative disgrâce des représentants du parti présidentiel conduisent désormais la presse à trouver un nouvel intérêt à l’expression des partis d’opposition. C’est heureux.
Par ailleurs renforcer l’expression des partis d’opposition ne peut-il se faire en limitant « l’ampleur du fait majoritaire »? Je m’explique. Aujourd’hui les partis de la majorité parlementaire totalisent 350 des 577 députés, soit une majorité de 60 %. Ne pourrait-on adopter de nouvelles règles qui donneraient aux groupes constituant une majorité au maximum de 55 %, par exemple (une proportion garantissant à l’exécutif l’adoption de ses textes) et de répartir le complément entre les partis d’opposition, par exemple au prorata de leurs effectifs ? Ceci contribuerait encore à l’expression des partis minoritaires. Les conséquences seraient à étudier :
- ce ne serait sans doute possible qu’en adoptant un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale, mais avec des listes constituées d’une manière à respecter une certaine représentation des territoiraes : si les élections permettaient la constitution d’un groupe majoritaire, sa taille pourrait le cas échéant être réduite comme je l’indique plus haut ;
- sans doute la question du maintien du lien député-territoire, comme il l’est actuellement, avec l’élection d’un député au sein d’une circonscription électorale, se posera. Ce lien d’ailleurs est-il encore pertinent alors que le cumul d’un mandat local et d’un mandat national est devenu impossible ?
En conséquence, sans que cela empêche de constituer et de disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale :
- rénover certaines des règles du fonctionnement du travail parlementaire à l’Assemblé nationale, pour davantage respecter et permettre l’expression des partis d’opposition, me semble indispensable ;
- modifier la répartition des sièges des députés pour limiter l’effet majoritaire pourrait être étudié.
1.2 De l’efficacité du travail parlementaire
On rétorquera qu’en permettant des débats plus ouverts, le travail parlementaire ne gagnera pas en efficacité, que l’examen des textes sera ralenti, que des textes seront examinés en vain alors qu’il est certain que la majorité parlementaire empêchera leur adoption etc. Pour éviter d’encombrer les ordres du jour, ne peut-on plus simplement réfléchir à ce qui doit relever de la loi, ce qui peut relever d’un règlement, ne peut-on statuer sur ce qui devrait relever d’un référendum? Ne peut-on évoquer aussi ce qui devrait relever d’un vote au niveau national et ce qui pourrait être confié à l’examen d’assemblée locale, départementale ou régionale ?
Selon moi, le summum de l’absurde a été la loi sur l’interdiction des téléphones portables au sein des établissements scolaires. A quand une loi sur le poids maximal d’un cartable, fonction de l’âge de l’élève, de son poids, de la classe qu’il fréquente ? Ce genre de dispositions ne relèvent-elles pas des règlements intérieurs ? Dans le même temps la diminution de la vitesse sur les routes de 90 à 80 km/h n’aurait-elle pas gagné à être discutée plus largement : or la décision a fait l’objet d’un décret et non d’une loi. Comment comprendre ?
Ce qui doit relever de la loi ne devrait-il pas nous conduire à réfléchir au sens à donner à la loi, une loi dont l’application, dans des domaines à davantage préciser et circonscrire, serait de nature à garantir une homogénéité de traitement des citoyens, des territoires, des entreprises sur l’intégralité du territoire ? Ne pourrait-on aussi conduire une réflexion, et ce sera l’objet de mon troisième point, sur un partage de la responsabilité législative entre le niveau national et le niveau régional ? Cette réflexion sur la loi aboutirait sans doute à mieux circonscrire ce qui devrait impérativement conduire à solliciter l’avis des électeurs par référendum, une procédure dont la mise en œuvre est actuellement insuffisante, comme l’exprime actuellement nombre de Français, et de plus décidée de manière très personnelle par les présidents de la République qui se sont succédé.
L’amélioration de l’efficacité du travail parlementaire est, semble-t-il, un des objectifs de la diminution du nombre de parlementaires, députés et sénateurs. Je n’ai pas encore lu quelque chose de crédible qui justifie une telle diminution. Après l’adoption de règles sur le non cumul des mandats (qui prive hélas nombre de nouveaux élus d’une connaissance locale fine, d’une appréciation locale de l’application de textes qu’ils votent), je n’imagine pas qu’il s’agit de s’appuyer sur l’antiparlementarisme viscéral de certains pour parvenir à cette fin. S’agit-il d’appliquer les enseignements de certaines mauvaises écoles de management où il est dit que la multiplicité des avis gêne la prise de décision ?
Je me suis mis à imaginer que l’économie escomptée par une diminution du nombre de parlementaires visait à permettre d’améliorer le rôle des parlementaires dans l’évaluation des politiques publiques, dans le contrôle de l’action gouvernementale. Or rien de tel n’est affiché et, à tout le moins, ne se concrétise pour l’instant. Le besoin est pourtant réel. J’ai le souvenir d’une réunion d’une commission de l’Assemblée nationale en novembre 2017 où des députés s’exprimaient ainsi, questionnant les représentants de haut niveau de certains services de l’État sur l’aide qu’ils pouvaient apporter aux parlementaires pour conduire ces évaluations : mais ils s’entendaient répondre que la séparation des pouvoirs empêchait de fournir cette aide. Se dirige-t-on depuis sur la création d’un corps d’auditeurs, de contrôleurs au sein des services de l’Assemblée ? Une mesure qui justifierait, pour être financée, de diminuer le nombre de parlementaires ?
Plus simplement, la diminution du nombre de parlementaires ne peut-elle être obtenue en … supprimant le Sénat ? Il ne s’agit pas pour moi de sous-estimer le rôle de cette Assemblée, sa force de proposition mais les règles du fonctionnement bicaméral rendent ce rôle un peu vain, puisque, in fine, l’Assemblée nationale a le dernier mot. Imaginons alors une assemblée unique, composée d’un nombre de représentants inférieur à 577 députés+348 sénateurs (une diminution globale se comprendra mieux), avec des règles de fonctionnement qui garantissent mieux qu’actuellement l’expression des opinions, la variété des propositions ,et règlent les différends à l’instar des pratiques des commissions mixtes paritaires.
2 /Rendre les citoyens plus proches de la décision publique
Le mouvement de contestation actuel met en évidence la difficulté des citoyens à peser sur les décisions mais aussi sur l’éloignement de la décision publique. Ce sentiment s’illustre en particulier en matière de fiscalité : la fiscalité, jugée lourde, alimente des caisses, des budgets perçus comme lointains, avec un bénéfice local qui n’apparaît pas toujours (un reproche sans doute exagéré). Dans le même temps, ne constate-t-on pas le succès des financements participatifs, le succès d’une collecte locale pour venir en aide à une association pour rénover ceci ou cela ?
En clair, n’est-ce pas le moment de mettre en œuvre une réelle décentralisation en donnant aux niveaux représentatifs infra nationaux (conseils départementaux, mais surtout régionaux) :
- des compétences encore accrues ;
- le pouvoir de légiférer au-delà du dispositif actuel de l’expérimentation, qui est d’une complexité telle qu’aucune Région ne le met en œuvre.
Cela rapprocherait le citoyen de la décision le concernant dans de nombreux domaines (il suffit de lister les actuels domaines de compétence des Régions : développement économique, emploi, formation professionnelle, tourisme, sport, routes, établissements scolaires…). Mais cela nécessiterait de reconsidérer le financement des collectivités territoriales.
En effet, ces collectivités sont sous une tutelle financière très forte de l’État. Il est connu que le transfert de certaines compétences vers les Régions ne s’est pas accompagné de l’intégralité des budgets nécessaires (il suffit de penser au RSA). Les Régions parviennent de fait à faire des économies que l’État ne parvient pas à réaliser de son côté. Il est notoire que les Régions ont une action bien plus efficiente que l’État, une action bien plus proche et certainement plus facilement explicable. Pour prendre un exemple, la politique en faveur des bourgs-centres, des cœurs de ville n’a aucune raison d’être pilotée nationalement. Laissons l’entière initiative aux collectivités territoriales.
En conséquence, pour améliorer cette situation, il conviendrait de :
- donner aux Régions la possibilité de lever l’impôt : l’impôt serait alors davantage en lien avec les projets régionaux, sur lesquels la communication avec les citoyens serait plus aisée et le citoyen devrait se trouver mieux informé ;
- réduire en conséquence l’impôt versé par les citoyens pour le niveau national.
On rétorquera que ceci va conduire à créer des régions riches, de maintenir des régions pauvres. Mais n’est-ce pas déjà le cas ? Le budget de l’État pourrait toutefois y remédier en créant des fonds de péréquation, des plans exceptionnels d’investissement destinés à corriger les déséquilibres existant entre régions, la représentation nationale étant amenée à définir le type de déséquilibres à résorber.
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