Intégralité de la contribution intitulée "transformer le statut des vacataires"
Voici l'ensemble des réponses fournies par un contributeur du site officiel aux questions du thème Organisation de l'état et des services publics le 17 mars 2019 à Nîmes .

Que pensez-vous de l'organisation de l'Etat et des administrations en France ? De quelle manière cette organisation devrait-elle évoluer ?
Je voudrais évoquer un sujet que je connais bien, tous les problèmes liés au statut des travailleurs précaires en France et en particulier celui des chargés d’enseignement vacataire à l’université et tout ce qui conditionne ce statut (besoin d'avoir un travail principal avant même de prétendre faire des vacations). En effet, si elles ne sont pas salariés (ce qui est rarement le cas), ces personnes ont un statut, celui de TNS ou TI (déjà ces sigles froids et sans âme), mais un statut qui rend leur vie trop compliquée sans raison. On devrait plutôt remercier ces personnes de faire tout le travail supplémentaire qu’elles doivent faire pour réaliser à la fois les activités professionnelles qu’elles font (dans mon cas de la traduction et de la formation) et tous les papiers administratifs qu’elles doivent faire ou faire faire par un comptable en payant pour continuer à exercer leur métier. Ce n’est pas normal que ce soit si compliqué de gérer de tels statuts, ni que ces personnes soient pénalisées à presque tous les niveaux (retraite, couverture sociale, vacances…). De mon côté, je suis également vacataire (car j'ai envie d'enseigner au niveau universitaire)—encore un statut apparenté à revoir en France. Un autre contributeur a suggéré à ma grande surprise de supprimer ce statut pour économiser de l’argent ! Or, je gagne à peu près 1/5 de ce que gagne un professeur titulaire pour enseigner le même nombre d’heures ! Et pour être vacataire, je dois avoir un autre statut (de TNS, par exemple, faute de quoi je ne peux pas faire des vacations, donc à la base je suis doublement pénalisé—si je veux être vacataire il faut déjà être salarié ou chef d’entreprise ou travailleur indépendant ). Or j’ai le même niveau de diplôme que les autres (doctorat), mais étrangement on se contente de me payer 37 euros de l’heure sans tenir compte du temps de préparation ni de correction, ni d’encadrement, ni de tout le reste (et pour commencer que je dois déjà gagner 10 000 euros au titre de mon statut de TNS si je veux continuer à être vacataire). Alors, je ne comprends vraiment pas pourquoi l’État français traite son personnel enseignant non titulaire universitaire si mal, si ce n’est justement que pour gagner de l’argent sur le dos de celles et ceux ont du mal à gagner leur vie autrement ou qui ont choisi d’enseigner au niveau universitaire, mais n’ont pas envie de partir à l’autre bout de la France ! Pourquoi ne pas créer un statut pour le personnel enseignant comme moi et tant d’autres (il y en a des milliers) que nous puissions travailler en paix et ne pas avoir à cumuler plusieurs statuts pour continuer à faire ce que nous avons envie de faire. L’université a besoin de nous, nous avons besoin de l'université, alors pourquoi rendre le système si perversement compliqué ? Voici sur quoi je demande à votre gouvernement de vous pencher sans attendre (je pense que cela pourrait être vite réglé). Et voici donc ma proposition : Un.e vacataire peut travailler autant d’heures qu’il ou elle veut contre une rémunération qui tient compte de tout ce qu’il ou elle doit faire pour bien faire son travail et de son expérience. Par ailleurs, le/ la vacataire ne devra plus avoir un autre statut pour être recruté.e à un poste à mi- ou plein-temps et il y aura une grille de salaire correspondant à l’ancienneté. En effet, trouvez-vous normal qu’au bout de 20 ans, je gagne exactement ce que gagne un.e vacataire nouvellement embauché.e ? Faites en sorte que les universités et les Grandes Écoles puissent embaucher des personnes dans mon cas s’il y a assez d’heures d’enseignement à faire pour être considéré comme un poste à temps plein (évidemment à définir en concertation avec les acteurs concernés). Enfin, chaque structure (université, Grande Ecole, centre CNRS) devrait pouvoir embaucher ces professeurs selon ses propres besoins et sa propre volonté. Ce n’est pas grand-chose que je vous demande. Simplement que l’État français reconnaisse le rôle essentiel des vacataires et leurs souffrances et essaye de trouver une solution plus juste car personne dans mon cas (et je connais à peu près 50 personnes rien que dans le Gard) n’a envie d’avoir le statut de vacataire. Tout le monde aimerait avoir un vrai statut qui permet de faire partie de la société au lieu de se sentir toujours exclu de celle-ci, d’être traité à peu près comme un « moins que rien ! » Je décris ma propre situation (comme Bruno Latour nous conseille de le faire) que je connais bien, mais je pense que le statut de vacataire doit être revu à tous les niveaux, pour que plus personne en France ne soit considérée comme une « sous-personne » !

Selon vous, l'Etat doit-il aujourd'hui transférer de nouvelles missions aux collectivités territoriales ?
Oui

Si oui, lesquelles ?
Je ne sais pas exactement, mais il faudrait rendre le gouvernement local plus dynamique.

Estimez-vous avoir accès aux services publics dont vous avez besoin ?
Oui

Avez-vous déjà utilisé certaines de ces nouvelles formes de services publics ?
Non

Quand vous pensez à l'évolution des services publics au cours des dernières années, quels sont ceux qui ont évolué de manière positive ?
Je trouve que les services publics ont tous rétrogradés depuis mon arrivée en France en 1997. Il y a trop d'accent mis sur la productivité et les agents deviennent de plus en plus malheureux. On privatise les services publics, alors que par définition le public n'est pas la privée. Le bon sens veut que cela s'inverse, malgré le contexte international qui pousse dans l'autre sens.

Quels sont les services publics qui doivent le plus évoluer selon vous ?
Un hôpital ne devrait pas être un centre de coûts et il ne devrait pas y avoir de concurrence entre hôpitaux. Tout cela est néfaste pour l'être humain et pour le monde. On peut dire la même chose de tout ce qui se privatise. Ayez le courage de faire autrement.

Connaissez-vous le "droit à l'erreur", c'est-à-dire le droit d'affirmer votre bonne foi lorsque vous faites un erreur dans vos déclarations ?
Oui

Si oui, avez-vous déjà utilisé ce droit à l'erreur ?
Oui

Si oui, à quelle occasion en avez-vous fait usage ?
au niveau des impôts lorsque mon comptable n'a pas fait son travail et que le logiciel des impôts a dysfonctionné et je me suis trouvé devant un redressement, alors que j'avais agi de bonne foi.

Pouvez-vous identifier des règles que l'administration vous a déjà demandé d'appliquer et que vous avez jugées inutiles ou trop complexes ?
Je pourrais faire une longue liste. Celle-ci n'est pas exhaustive: Le DataDock pour commencer pour les formateurs comme moi. J'ai perdu 80 heures l'année dernière à remplir tous les documents nécessaires pour être agréé DataDock (et on annonce encore une réforme de la formation professionnelle). Ensuite, père de 3 enfants français, et marié à une française j'ai dû passer 2 ans et demis pour accéder à la nationalité française. Titulaire d'un doctorat de lettres modernes (ayant fait une thèse sur la poésie française), on a exigé que je passe un Test de Connaissance de la Langue Française au prix de 135 euros, dont les résultats étaient très étranges (le candidat n'est pas capable d'analyser un texte complexe). On ne peut pas mettre tout le monde dans le même panier. Je ne suis pas un migrant, mais une personne qui a choisi de vivre en France, dont attestait à cette époque plus de 20 ans d'existence en France. Mais les oreilles du système sont sourdes. Voici ce qu'il faudrait changer en France. Il faudrait tenir compte de la vie des gens et pas seulement des lois théoriques établis pour canaliser les énergies. Chaque année pour être vacataire, je dois reproduire exactement les mêmes papiers que l'année précédente en plusieurs exemplaires...alors que les universités où je travaille ont déjà mes papiers de l'année précédente...soit disant on me dit parfois pour protéger l'emploi. Vous savez bien qu'il s'agit plutôt d'un manque de responsabilité de la part de l'Etat français ! Tous les papiers que doivent fournir les travailleurs indépendants pour continuer à exercer leur métier (le fameux bilan pédagogique et financier...) Pour conclure, je dirais que presque toutes les démarches administratives en France devraient être allégées pour permettre à la société de mieux fonctionner et de fonctionner sur la base de la confiance et non pas du soupçon de l'autre.

Faut-il donner plus d'autonomie aux fonctionnaires de terrain ?
Oui

Si oui, comment ?
Par exemple, d'embaucher, de faire confiance aux gens comme moi qui travaille dans leur établissement depuis plus de 20 ans.

Faut-il revoir le fonctionnement et la formation de l'administration ?
Oui

Si oui, comment ?
simplification, simplification, simplification

Si vous avez été amené à scolariser votre enfant, pouvez-vous indiquer les éléments de satisfaction et/ou les difficultés rencontrés en précisant, pour chaque point, l'administration concernée :
Il n'y a pas assez d'interaction entre les parents et les écoles. On dirait que l'école préfère se couper du monde, alors qu'il vaudrait mieux intégrer les différentes activités de la vie ensemble...

Si vous avez été amené à demander un remboursement de soins de santé, pouvez-vous indiquer les éléments de satisfaction et/ou les difficultés rencontrés en précisant, pour chaque point, l'administration concernée :
Pas de souci.

Si vous avez été amené à créer une entreprise, pouvez-vous indiquer les éléments de satisfaction et/ou les difficultés rencontrés en précisant, pour chaque point, l'administration concernée :
Comme indiqué plus haut, le processus de créer et de maintenir une petite structure en vie en France est vraiment trop compliqué. A chaque tournant il y a de nouveaux papiers à soumettre, sans aucune explication de l'utilité de ceux-ci. On se sent sans arrêt harcelé... Alors, ne voyant pas l'intérêt, on devient vite démotivé. On se tourne alors vers un comptable et là commence une autre bataille. Etant trop petit pour les intéresser, le service n'est pas terrible et eux non plus ils n'expliquent pas de quoi il s'agit tout en se faisant payer très cher pour du mauvais service. La création en soi n'est pas trop complexe, mais l'accompagnement des TPE est absolument nul dans le Gard où j'exerce mon métier depuis 22 ans.

Si vous avez été amené à mettre fin à votre activité, pouvez-vous indiquer les éléments de satisfaction et/ou les difficultés rencontrés en précisant, pour chaque point, l'administration concernée :
Lorsque j'ai arrêté ma société (une SARL) fin 2016, j'ai été agréablement surpris par l'efficacité des services concernés. Si seulement ils avaient été aussi efficaces lorsque celle-ci avait besoin d'eux. Mais à ce moment-là c'était l'opacité, la porte fermée, le dialogue des sourds. Comme si on ne voulait pas que la société réussisse.


Lire une autre au hasard
Retour aux Thèmes