Intégralité de la contribution intitulée "BHDL Rationalisation, simplification et prise de conscience de l'inconscient collectif du citoyen Français pour adapter cette organisation"
Voici l'ensemble des réponses fournies par un contributeur du site officiel aux questions du thème Organisation de l'état et des services publics le 1 mars 2019 à Lambersart .

Que pensez-vous de l'organisation de l'Etat et des administrations en France ? De quelle manière cette organisation devrait-elle évoluer ?
Il conviendrait de relire Toqueville qui dit des choses fortes sur ce que les conditions de la construction d'une nation ont à voir avec le fonctionnement démocratique. Le rôle central de l'Etat dans la construction de l'Etat-Nation France devrait engager à la prudence quand on met en place la décentralisation. Non pas pour l'interdire mais pour approfondir le ""comment"" et notamment le ""comment avec les citoyens"". L'exemple de l'échec de la participation dans le cadre de la politique de la ville devrait à cet égard interroger particulièrement. La France ce n'est pas les Etats-Unis qui se sont construits par les communautés locales. La France ce n'est pas la culture anglo-saxonne (voire nordique) du bien commun, c'est la culture de l'intérêt général. Tout cela doit bien entendu être nuancé dans sa complexité, eu égard notamment aux interdépendances de la mondialisation, à l'observation que nous sommes une société en mouvement. On peut certes changer, mais il faut amener les choses à la conscience, aux engagements qu'elles supposent, sinon gare au retour du refoulé (par exemple l'homme providentiel???). Enfin, la caricature Girondins/Jacobins mérite également quelques nuances. D'une part les Girondins étaient des Jacobins. Ils s'en sont séparés (Girondins versus Montagnards) pour des questions de fond (quid de la monarchie, le choix de la guerre extérieure) et de circonstances (les Girondins ne sont pas tant fédéralistes que soucieux de se dégager de la pression du peuple parisien) La décentralisation de 1982 a vu différents positionnements de la part des élus (singulièrement des conseils généraux) et de la part des hauts fonctionnaires (préfets, directeurs départementaux de l'Equipement) Le président de l'association des CG Pierre Salvi (95) a ainsi refusé que le recrutement des cadres de la fonction publique territoriale soient issu des mêmes écoles de formation que ceux de l'Etat recrutés quant à eux sur concours. Ce qui n'a pas empêché un recrutement massif au sein de la fonction publique d'Etat (mise à disposition, droit d'option, etc..). Ce refus interroge sur les services que l'on attendrait des fonctionnaires, sur le refus du concours national de recrutement? ou est-on du côté de la paranoïa qui supposerait qu'une fonction publique unique ne devrait des comptes qu'à l'Etat? On peut rappeler à cet égard que la Constitution dispose que tout citoyen peut demander à tout agent public de rendre compte de son action. Par définition, le fonctionnaire obéit dans le respect des lois. De ce fait on a pu constater que la fonction publique territoriale offrait parfois des parcours accélérés (c'est bien entendu rare mais il y a des exemples de concours de promotion sans beaucoup de candidats dans les années 80 voire 90). On note également des fonctionnaires mis au placard, ce que je n'ai pas rencontré (mais ce n'est qu'une expérience personnelle) au sein de la Fonction Publique d'Etat. Je propose donc qu'il y ait plus de fluidité entre fonctions publiques, que les écoles originellement de l'Etat soient reconnues (comme pour le CEREMA, les collectivités publiques peuvent être au Conseil d'Administration). j'y vois l'intérêt d'une culture commune d'une part, et la possibilité de supprimer des doublons.

Selon vous, l'Etat doit-il aujourd'hui transférer de nouvelles missions aux collectivités territoriales ?
Non

Si oui, lesquelles ?
La question de la solidarité entre collectivités est décisive. Comme en Europe, c'est la concurrence de toute unité territoriale contre toute unité territoriale. L'expression reprise dans la Constitution (article 72) qu'aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel laisse ouverte cette possibilité de concurrence et de non coordination des politiques. C'est particulièrement vrai de la périurbanisation et de la consommation des terres agricoles. Périurbanisation dont on peut considérer qu'elle représente une des sources de la contestation des ""gilets jaunes"" avec l'éloignement de l'emploi, des services et le vieillissement de la population des lotissements. Comment prend-on en compte la nécessité de l'aménagement équilibré du territoire quand les instances ""supérieures"" que sont le Département et la Région ne semblent pas vraiment très porteuses de coordination dans le cadre de l'élaboration des documents de planification. Si la technocratie des fonctionnaires d'Etat n'a plus d'autre légitimité que l'interpellation (encore faut-il qu'elle soit possible), que dire du fonctionnement entre élus des divers niveaux notamment à l'époque du cumul des mandats qu'il semble tout à fait négatif de vouloir rétablir à partir du moment où la représentation de l'intérêt général défendu devient extrêmement floue, donnant là encore lieu à des soupçons de clientélisme. Contrairement à ce que l'on pourrait penser le cumul ne peut provoquer que des consensus mous à partir du moment où on ne sait plus où les ""gens habitent"", ni quels intérêts ils défendent. Un haut fonctionnaire ayant participé à l'élaboration des Lois Deferre de décentralisation a pu me dire que la répartition des compétences avait été pensée pour organiser l'interdépendance, mais en réalité en l'absence de vision à long terme, seuls les intérêts particuliers de court terme ont été négociés.

Estimez-vous avoir accès aux services publics dont vous avez besoin ?
Oui

Si non, quels types de services publics vous manquent dans votre territoire et qu'il est nécessaire de renforcer ?
J'habite une métropole. La question se pose dans les zones peu denses qu'elles soient rurales avec la perte de population liées à l'industrialisation de l'agriculture et à la déprise industrielle (il existait encore des établissements industriels dans des bassins d'emploi ruraux mais perte de population et crise industrielle....) ou qu'elles soient périurbaines. Si dans ces zones peu denses, le numérique peut permettre un accès à certains services, la question de la présence humaine restera posée (l'homme est ou bien était un animal social). On eput imaginer la création d'agence dans des commerces privés (la Poste par exemple), des maisons regroupant plusieurs services administratifs, mais la question de l'accès restera souvent pendante et peu satisfaisante

Quels nouveaux services ou quelles démarches souhaitez-vous voir développées sur Internet en priorité ?
L'ubérisation est en marche et trouvera certainement de nouveaux domaines de services à inscrire sur le web et les réseaux. J'attire toutefois l'attention sur le mirage que constitue la systématisation du rempacement de la présence humaine par le lien virtuel

Avez-vous déjà utilisé certaines de ces nouvelles formes de services publics ?
Oui

Si oui, en avez-vous été satisfait ?
Oui

Quelles améliorations préconiseriez-vous [des nouvelles formes de services publics] ?
les démarches administratives: passeport, remplacement d'un permis de conduire ""en loques"" ont été très satisfaisantes avec l'Agence nationale des Titres Sécurisés

Quand vous pensez à l'évolution des services publics au cours des dernières années, quels sont ceux qui ont évolué de manière positive ?
La présence humaine est tout à fait indispensable. Les prétendues économies attendues risquent de coûter bien plus cher que ce qu'elles prétendent atteindre. S'agissant des directions départementales interministérielles (elles ont été confrontées à des baisses de personnel très importantes - 37% entre 2O11 et 2015 pour les DDT) alors que les gouverbements hésitaient sur leurs missions (abandon de l'instruction des permis de construire et de l'ingénierie publique pour le compte de tiers, mais maintien d'une assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) polyvalente, puis remise en question de cette ATESAT puis mise en oeuvre du Nouveau Conseil au Territoire, dans l'attente de la mise à disposition d'une Agence Nationale de la Cohésion des territoires). Est-ce bien sérieux? D'autre part ces hésitations dans les missions et le positionnement et la perte de personnel a pour effet une perte de mémoire et de technicité. Malgré cela, les agents restent impliqués et dévoués à leurs taches mais avec un grand sentiment de frustration. Doit-on voir l'Etat se retirer de ce niveau départemental? Je ne le pense pas. Un élu au moment de mon départ à la retraite a pu me dire qu'une voix décalée, un argumentaire à partir d'un autre point de vue restait indispensable. La posture d'avocat du diable est nécessaire dans les débats conduisant à la décision. Le fonctionnaire d'Etat peut jouer ce rôle sans empièter, sauf constat d'une illégalité, sur les compétences décisionnaires.

Connaissez-vous le "droit à l'erreur", c'est-à-dire le droit d'affirmer votre bonne foi lorsque vous faites un erreur dans vos déclarations ?
Oui

Si oui, avez-vous déjà utilisé ce droit à l'erreur ?
Non

Si oui, à quelle occasion en avez-vous fait usage ?
Pas encore mais ça va venir: je m'attendais après avoir rempli mon dossier de mise à la retraite avec l'engagement y figurant que je ne reprenais pas d'activité salariée d'une part et avoir cessé d'être payé par mon administration d'autre part à ce que ma pension soit versée sans délai le mois suivant l'arrêt de mon activité. Que nenni, la ""simplification"" en oeuvre depuis toutes ces années conditionnait de facto le versement de ma pension à l'envoi supplémentaire d'un document à l'administration fiscale qui indiquait que je ne pouvais pas reprendre un travail salarié de plus de xxx€ annuel. En raison d'évènements qui m'on énormément perturbé en cette fin d'année 2018, je n'ai pas été très attentif et n'ait pas lu la demande et, n'étant pas payé, j'ai réagi tardivement et ai envoyé le document rempli le 27 décembre 2018. En conséquence je n'ai été payé que le 10 janvier 2019 des 2 mois de novembre et décembre 2018, versements qui ont été assujettis au prélèvement à la source alors qu'ils n'étaient pas imposables en 2018. Je ressens comme une grande injustice. D'une part, ce sont les délais administratifs de paiement (que je comprends certes) qui font que je n'ai pas été payé avant la fin de l'année (j'ai les preuves de mon envoi avant la fin 2018). D'autre part est-il juste d'interrompre le versement entre traitement et pension alors que les droits sont établis. En réalité il s'agit d'une double imposition des deux derniers mois de l'année. Est-ce que le différé de réponse entre dans la catégorie du droit à l'erreur? N'est-ce pas plutôt une erreur de l'Administration où ministère d'origine, service des retraites de l'Etat et service de paiement (direction des Finances Publiques) sont incapables de se coordonner. A moins, ce que je ne peux imaginer (je ne suis pas complotiste) que l'intention ne soit de faire des économies sur le dos d'un cotisant de plus de 45 années...

Pouvez-vous identifier des règles que l'administration vous a déjà demandé d'appliquer et que vous avez jugées inutiles ou trop complexes ?
Voir réponse précédente, le doublon entre dossier de retraite réputé complet et demande de renseignements complémentaires qui figurent déjà dans le dossier de retraite (l'engagement de ne pas reprendre d'activité salariée) ou qui auraient pu y figurer (la limite de rémunération qui permet de reprendre une activité salariée) est incompréhensible, occasionne des échanges superfétatoires et inutiles. De plus compte tenu de l'introduction du prélèvement à la source dans les circonstances présentes, cela représente un manque de respect évident pour l'agent de l'Etat que j'étais.

Faut-il donner plus d'autonomie aux fonctionnaires de terrain ?
Oui

Si oui, comment ?
Il faut faire le départ entre ce qui est étroitement régalien et doit être impérativement respecté (par exemple la lutte contre les marchands de sommeil et contre l'habitat insalubre) et ce qui peut faire l'objet d'une négociation notamment avec des engagements temporels et des compensations. Cette deuxième occurence devrait, pour être justifiée, bénéficier de vrais scénarios alternatifs, ce qui suppose une association des fonctionnaires en amont. Par ailleurs toute négociation doit être appuyée par des arguments techniques permettant de déterminer les coûts avantages de telle option retenue (en aménagement, c'est la jurisprudence du Conseil d'Etat) D'une part la technicité des services doit être maintenue et renforcée par des échanges avec l'Université, les chercheurs et le monde économique

Faut-il revoir le fonctionnement et la formation de l'administration ?
Oui

Si oui, comment ?
Il ya aujourd'hui un risque énorme de perte de technicité.

Comment l'Etat et les collectivités territoriales peuvent-ils s'améliorer pour mieux répondre aux défis de nos territoires les plus en difficulté ?
Prenons quelques exemples où il apparaît que le regard extérieur des fonctionnaires peut constituer une ouverture. Encore faut-il accepter ne pas se précipiter vers des solutions magiques. Les raisons et intérêts d'agir doivent être exposés de manière claire, les impacts et externalités doivent être regardés. Il ne s'agit pas de s'assurer d'une exhaustivité qui ne peut exister mais bien de conduire des débats et des études pour décider et pour l'action et non pour empêcher l'action , la différer ou l'entreprendre à l'aveugle sans même avoir un dispositif d'évluation in itenere. D'autre part, il convient de veiller davantage à l'entretien des équipements publics qu'aux nouvelles contructions

Si vous avez été amené à préparer votre retraite, pouvez-vous indiquer les éléments de satisfaction et/ou les difficultés rencontrés en précisant, pour chaque point, l'administration concernée :
Il semble y avoir de larges marges de progrès dans la coordination entre les ministères de carrière, le service des retraites de l'Etat et les services de paiement des pensions (cf. supra)

Si vous avez été amené à demander un remboursement de soins de santé, pouvez-vous indiquer les éléments de satisfaction et/ou les difficultés rencontrés en précisant, pour chaque point, l'administration concernée :
La fin de la mutuelle générale de l'environnement et des transports (MGET) qui a rejpoint la Mutuelle générale de l'Education Nationale) a été un calvaire. La tutelle du Ministère de l'Ecologie semble devoir être mise en question, mais c'est du passé.

Si vous avez été amené à faire une demande d'aide pour une situation de handicap, pouvez-vous indiquer les éléments de satisfaction et/ou les difficultés rencontrés en précisant, pour chaque point, l'administration concernée :
Sourd d'une oreille depuis 54 ans (1964) et atteint d'une forte presbyacousie de l'autre oreille (suite à des atteintes meniériformes), ce n'est que très récemment que j'ai été informé des aides qui peuvent être sollicitées dans le cadre du maintien dans l'emploi. Le retard d'information est un motif de frustration mais que cela fonctionne mieux est un motif de satisfaction. Je note cependant que les aides prévues par le Ministère de l'Ecologie ont été diminuées drastiquement.

Y a-t-il d'autres points sur l'organisation de l'Etat et des services publics sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
Il me semble utile de rappeler que le statut du fonctionnaire est d'une part la contrepartie constitutionnelle qui voit que tout citoyen peut demander à tout agent public de rendre compte de son action et d'autre part la garantie (compte tenu de la responsabilité vue par la Constitution) qu'un fonctionnaire peut résister aux différentes pressions qui pourraient s'exercer à son encontre. Dans une large mesure cela fonde la qualité équitable du service publique et représente un élément décisif dans toute lutte contre la corruption. Naturellement, je ne peux empêcher personne de penser que cette protection devrait être limitée à quelques emplois régaliens, mais il ya aura toujours débat pour fixer cette limite: je revendique notamment que les avis techniques doivent être rendus indépendants des pressions. Enfin, une des contrepartie supplémentaire pourrait être de ne plus bénéficier du statut dès que l'on rejoint le privé, interdisant ainsi tout retour dans la fonction publique. Je serai encore plus directif pour les postes de hauts fonctionnaires interdisant leur pantouflage après recrutement. La question légitime qui pourrait m'être posée serait celle des bénéfices perdus par la méconnaissance qu'auraient les fonctionnaires du fonctionnement du privé, de l'économie, etc.. Cela me semble être un argument spécieux que les rencontres régulières avec les acteurs privés sur des échanges approfondis et non complices, l'ouverture sur le monde économique me semblent rendre inopérants. La contrepartie serait que chacun saurait où il habite et quel est son rôle.


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