Quels sont les services publics qui doivent le plus évoluer selon vous ?
Ma proposition pour améliorer la France et rendre les Français plus heureux, plus satisfaits, plus épanouis et plus capables de faire, passe par le sujet le plus primordial en démocratie, l'éducation. Quand l'école est devenue obligatoire en 1882 grâce à Jules Ferry, le niveau de connaissance dans le pays a considérablement augmenté. Le caractère obligatoire n’était pas pour forcer les enfants à aller à l’école, mais pour contraindre les parents à les laisser y aller, car beaucoup d’enfants travaillaient et aidaient leur famille. Pour les enfants, entre travailler au champ et apprendre l’histoire de Jules César, il n’y avait pas photo et l’école l’emportait. Cet enthousiasme pour l'école, on le retrouve dans les pays en voie de développement où certains enfants travaillent toujours. Aujourd'hui en France, les enfants sont moins emballés par l’école et beaucoup d’entre eux y vont parce qu’ils y sont forcés. On a aussi l'impression que l’éducation nationale fait moins bien son travail, que les savoirs sont moins bien acquis qu’auparavant. Pourtant, l’école enseigne toujours de la même façon qu’ont connues les générations précédentes. Ce qui a changé, c’est que les enfants ont accès à des divertissements captivants qui entrent en concurrence direct avec l’apprentissage. Entre les jeux vidéos, les dessins animés, les séries, les BD, les mangas, les réseaux sociaux, internet, YouTube, Netflix, les smartphones… L’attention des enfants est captée et gardée par tout un tas de choses. Relire sa leçon sur Jules César devient alors comparativement plus ennuyeux. Parce que l’attention des enfants est moins facile d’accès, l'école doit se transformer, elle doit devenir plus efficace encore. L‘époque moderne ne nous a pas apporté que des moyens de distractions importants. Ces dernières années, de nombreuses et importantes découvertes en neurosciences de l’apprentissage ont étaient réalisées grâce à l’imagerie cérébrale. En sus, différentes méthodes d’enseignement, plus ou moins efficaces, ont été expérimentées aux cours des dernières décennies. Une de ces expérimentations a été menée par une institutrice, Céline Alvarez, qui s’est chargée durant 3 ans d’une classe de maternelle. Elle a utilisé une méthode d'enseignement bâtie grâce aux découvertes des neurosciences de l'apprentissage, sur fond de méthode Montessori. Et elle a eu des résultats extrêmement impressionnants, certains de ses petits de 5 ans avaient un niveau en lecture et en maths de CE2. Elle a retranscrit sa méthode et ses résultats dans un livre, au titre un peu pompeux : Les lois naturelles de l’enfant. Ses résultats sont d'autant plus impressionnants que l'expérimentation s'est déroulée à Gennevilliers, une banlieue parisienne. Plus connue pour le décrochage scolaire que comme un vivier de petits génies qui savent lire et faire des maths à 5 ans. En fait la plupart des enfants ont des capacités impressionnantes, elles sont juste largement sous-exploitées par notre système d'éducation. Dans certain cas il y a le support du milieu familial qui compense, dans d'autres non. La méthode utilisée par Céline Alvarez c'est de l'apprentissage tellement optimisé qu'il développe tout le potentiel des enfants, peu importe le support familial. L’intérêt de se concentrer sur des enfants de maternelles, d’après tous les spécialistes, c’est que plus le cerveau de l’individu est jeune plus l’impact de l’apprentissage est maximal. Ce qui se joue entre 2 et 5 ans est capital, si un enfant a appris à apprendre à cet age-là, on peut presque considérer qu’il est sauf. Il faut que les pouvoirs publics se saisissent de ce genre d’initiative, quand elles sont si bien concluantes, et qu’ils les propagent. Afin d'avoir plus de résultats et d'aider plus d'enfants, il faut répéter cette méthode à plus grande échelle, dans d'autres école maternelles. L’échelle peut être une ville, un département ou une région. L’année dernière en Belgique, le ministère de l'enseignement de la Wallonie et Céline Alvarez ont organisés un accompagnement à cette méthode. Durant 9 mois, 750 enseignants et équipes de maternelle sont formés. Il faut que les pouvoirs publics de notre pays fassent de même. Ne laissons pas passer ces découvertes, ces résultats, il faut les exploiter ! Il y a des tas de famille aisées qui mettent leurs enfants en maternelle privée pour ce genre d'éducation. Céline Alvarez a montré que ça marche tout aussi bien avec des enfants de parents pauvres, pas forcément au top de l'éducation. Faites que la France transforme ses maternelles en ce sens, pour un développement plus épanoui des citoyens dépourvus d'éducation de qualité et pour une amélioration en profondeur de la société. Je vous conseille vraiment de lire le livre pour découvrir la méthode. Je la résume ici en 3 principes : 1 – Le mélange des âges (3, 4 et 5 ans). Quand tous les enfants ont le même âges dans la classe, chacun est au même niveau, mais avec quelques différences qui permettent déjà d'établir une petite compétition malsaine. Avec le mélange des âges, les grands de 5 ans aident naturellement les petits. Les petits deviendront grands et aideront à leur tour. Chacun apprend à se faire aider et à aider les autres. 2 – Le choix des activités. Dans une classe classique, l'instituteur impose la même activité pour tous les enfants. Du coup une part importante des élèves font une activité qui ne les motivent pas. Alors que l'on sait qu'apprendre quelque chose qui nous motive est infiniment plus efficace que quelque chose qui nous ennuie. Dans la classe de l'auteure, les enfants sont libres de choisir parmi plusieurs dizaines d'activités (motrice, affinement des sens, langage, numérotations, calcul, géographie...), qu'ils pratiquent seul (l'activité est toujours expliquée par l'instit) ou en petit groupe d'entraide. 3 – L'ordre et la guidance. L'instit à un rôle très important. Elle est stricte sur le comportement pour maintenir sa classe calme et ordonnée, afin que chaque enfant puisse se consacrer à ses activités sans être dérangé. Elle suit précisément ses élèves et les oriente vers certaines activités en fonction de leurs âges et de leurs activités passés. Mais elle leur laisse toujours le choix. À la fin, tous les enfants auront appris les savoirs fondamentaux, mais certains auront plus développés la lecture, d'autre la géographie, d'autres les maths... Beaucoup d'autres choses font partie de sa méthode, comme le développement des compétences exécutives (pour apprendre à apprendre), la motivation endogène, l'importance de l'erreur, l'impact du jugement, les bienfaits de la bienveillance, la toxicité du stress, l'effet négatif de la télé... Elle raconte toutes ses galères aussi et les enfants particuliers et difficiles.
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