Pouvez-vous identifier des règles que l'administration vous a déjà demandé d'appliquer et que vous avez jugées inutiles ou trop complexes ?
Le site de l'URSSAF est à retravailler, il est très complexe de savoir quels virement sont à faire et à quels moment (ne s'affichent pas dans l'espace personnel lors d'une connexion), à tel point que nombre de professionnels doivent faire le choix d'embaucher une entreprise pour s'occuper des déclarations et des paiements à leur place.
Y a-t-il d'autres points sur l'organisation de l'Etat et des services publics sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
Il semble urgent de restructurer les soins en psychiatrie. Je suis interne en psychiatrie et ai pu constater de nombreux dysfonctionnements, je préfère ne donner d'avis que sur ce que je connais vraiment, dans l'espoir de donner un avis éclairant, je l'espère.
- L'organisation des soins en secteur est à conserver car ils permettent une bonne cohérence des soins entre intra-hospitalier et ambulatoire, cependant, ils manquent cruellement de moyens, engendrant des prises en charges très décousues pour les patients qui en auraient le plus besoin (ce sont les pathologies les plus lourdes qui sont prises en charges au CMP et en intra hospitalier) : 1 à plusieurs mois d'attente pour une première consultation, y compris en sortie d'hospitalisation (donc pour des patients particulièrement à risque de rechute), des consultations mensuelles et courtes etc...
- Les services hospitaliers non sectorisés de psychiatrie, comme les secteurs souffrent très souvent du même manque de moyen, notamment humain (IDE +++, aides soignants, parfois psychiatres), engendrant une prise en charge parfois honteuse, et malheureusement trop souvent aboutissant à une maltraitance des patients. Les patients en psychiatrie ont besoin pour leur soin même de pouvoir être écouté par les IDE qui sont en première ligne au quotidien des patients, elles ne peuvent avoir le temps que de distribuer les médicaments.
- Par ailleurs, les soins de prévention ne sont pas assez développés alors qu'ils permettraient une réduction importante des dépenses dans le domaine. Un développement d'unités spécialisées dans le dépistage et le soin des adolescents et jeunes adultes à fort risque de transition psychotique serait important (âge de début de la grande majorité des troubles psychiatriques), ainsi que des unités spécialisées dans la prise en charge des premiers épisodes (dépression, manie, schizophrénie, etc...) des jeunes adultes, pour qu'ils puissent être mieux pris en charge, et mieux accepter les soins (être pris en charge pour un jeune adulte présentant un premier épisode dépressif ou autre entouré de patients schizophrènes délirants avec plus de 20 ans d’évolution de leur maladie peut être très anxiogène et participer au refus des soins).
- Ceci associé à la diffusion à grande échelle de spots télévisés de déstigmatisation des maladies mentales (notamment schizophrénie et bipolarité) et de campagnes d'informations sur les maladies mentales dans les lycées (population particulièrement à risque), permettrait un accès plus précoce aux soins, avec des soins de meilleur qualité, et permettrait d'éviter une chronicisation de ces pathologies, entrainant des coûts faramineux en hospitalisations à répétition, (parfois des hospitalisations qui s’éternisent en attendant une institutionnalisation, pour lesquelles les places sont trop rares, comparativement à la Belgique par exemple), en traitements, en suivi, en incapacité pour les patients à travailler durant le reste de leur vie, etc.... En effet, le facteur pronostic le plus important dans ces pathologies est le temps de psychose non traité.
- Un autre axe serait de continuer de développer des services de psychiatrie de liaison dans les hôpitaux généraux avec plus de moyens afin de limiter la surmortalité liée aux maladies mentales (majoritairement due à la difficulté d’accès aux soins somatiques). Dans les hôpitaux avec ces dispositifs, le temps d'hospitalisation de ces patients est significativement réduit, ce qui permet une économie majeure, et a d’ailleurs été bien plus développée dans de nombreux pays.
- De plus, et ceci concerne tous les services de médecine en CHU notamment, des économies sont faites sur des postes d'agents hospitaliers, de secrétaires, d'aides soignants, ce qui reporte la charge de travail sur les IDE, internes et médecins, qui s'occupent alors du secrétariat et le temps d'hospitalisation est allongé pour que les médecins trouvent le temps de faire ce secrétariat. Cela me parait être du temps médical mal utilisé au vu du coût de la formation d'un médecin. Si tous les corps de métier étaient raisonnablement représentés en fonction des besoins du service, les médecins pourraient se concentrer à effectuer uniquement leur métier de médecin, et les durées d'hospitalisation en seraient réduites.
-Enfin, cela peut paraitre un détail mais il me semble que cela pourrait engendrer moins de souffrance auprès des familles si la SPDT était légèrement modifiée en terme d'"hospitalisation avec accord d'un tiers", cette formulation étant bien plus proche de la réalité que le terme d'"hospitalisation à la demande d'un tiers". En effet, de mon expérience, la formulation actuellement utilisée créent souvent des tensions entre le patient et les aidants les plus proches, ce qui peut être particulièrement néfaste à tout le monde. De plus, il arrive de manière régulière que, pour cette raison, des proches qui sont pourtant pour une hospitalisation de leur proche, ne souhaitent pas signer de SPDT s'ils l'ont déjà fait par le passé de crainte que de nouvelles tensions se créent dans la famille.
- Pour finir avec une note positive, je voudrais souligner l'importance d'avoir une ministre de la santé elle-même médecin, qui comprenne l'importance et les enjeux de ces questions.
Sur un tout autre sujet, mais également lié à ce que j'ai pu voir dans le cadre de ma profession :
Concernant les viols et agressions sexuelles : les médecins sont mal formés à orienter ces patient(e)s, et la procédure administrative serait à simplifier +++ Il est difficile de savoir à qui il faut adresser : souvent les UMJ disent qu'il faut d'abord que la personne ait déposé plainte (alors que le choix de porter plainte pour une victime est parfois compliqué, et elle doit avoir la possibilité d'y réflechir, à l'inverse les prélèvements ne peuvent attendre, sans quoi il n'y aura de toute façon plus de preuve pour un dépot de plainte ultérieur) alors que la police demande un examen médical avant de prendre la déposition... Les commissariats refusent parfois de prendre le dépot de plainte s'ils ne sont pas du département ou l'agression a eu lieue alors qu'ils ne sont pas censés le faire, et les victimes sont parfois très mal reçues. Peut être faudrait-il clarifier ceci, et éventuellement former certains policiers à cette prise en charge spécifique de victimes souvent gravement traumatisées, et qu'ils soient en première ligne pour prendre ces dépôts de plainte, que ces derniers puissent être écouté rapidement, auprès de personnes correctement formées.
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