Quelles sont toutes les choses qui pourraient être faites pour améliorer l'information des citoyens sur l'utilisation des impôts ?
//
Que faudrait-il faire pour rendre la fiscalité plus juste et plus efficace ?
Contrairement aux idées reçues, les impôts directs censés en principe tenir compte des facultés contributives n’ont pas augmenté et ont même diminué. Sous l'inspiration de doctrines, comme la théorie du ruissellement, leur progressivité a été atténuée au fil du temps sous prétexte de favoriser l'investissement. Seule la TVA qui est un impôt indirect payé sur la dépense par tout le monde, indépendamment des facultés contributives de chacun, a augmenté. Cette évolution, qui est une forme de redistribution vers le haut, va à l’encontre du principe d’égalité devant l’impôt. Le taux normal de la TVA est maintenant de 20 %. C'est beaucoup sur des produits indispensables comme le gaz ou l'électricité ou sur une prestation de service comme une coupe de cheveux. En revanche l’ancien taux majoré de 33% sur les produits de luxe a été supprimé. Un taux d'imposition de 20 % à l'IRPP est considéré comme élevé. La TVA est un impôt sur la dépense. Pour les foyers modestes dont les possibilités d'épargne sont faibles ou nulles et qui dépensent tout leur revenu ou presque, la TVA est donc un équivalent de l'impôt sur le revenu. Il est par conséquent abusif de présenter comme non imposables les gens qui n'ont pas d'IRPP à acquitter Le taux maximum d'imposition à l'IRPP, à la différence du taux normal de la TVA, a baissé au cours des 40 dernières années : dernière tranche à 45 % actuellement (applicable à la fraction de revenu par part de QF > 153 700 € ), contre 65 % il y a 40 ans. Mais la progressivité de l'IRPP est très rapide : 30 % à partir de la fraction de revenu par part de QF > 27 000 €. En outre, les niches fiscales se sont multipliées de sorte que l’IRPP est désormais devenu dégressif, passé un certain seuil. Le taux de l'IS aussi a baissé. Il était de 50 % il y a 40 ans. Il est de 28 % actuellement. De plus il est possible d'échapper à l'IS en délocalisant le siège de l'entreprise. La taxe foncière est un impôt sur le capital qui est payé par les propriétaires d’immeubles. A la différence de l'ISF, autre impôt sur le patrimoine, le passif (endettement pour financer l'investissement) n’est pas pris en considération dans le calcul de la base d’imposition. La taxe foncière est par conséquent moins juste que l'ISF. Il faut dire que les propriétaires de petits pavillons sont plus nombreux que les détenteurs de gros patrimoines et ont droit à moins d'égards. L'héritage n'est rien d'autre qu'un enrichissement sans cause. Il aggrave les inégalités de patrimoine. Lorsque l'héritage porte sur des immeubles, il protège les héritiers de la hausse des prix de l'immobilier que subissent les acheteurs ordinaires. En matière de droits de succession l'abattement en ligne directe est de 100 000 € par héritier contre 42 000 € en 1990. De plus, passé un délai de 15 ans, les donations ne sont plus rapportables fiscalement comme elles l'étaient encore en 1990, ce qui a pour conséquence de permettre le renouvellement des abattements applicables à la transmission fractionnée d’un patrimoine au même bénéficiaire. On observe donc que pour les plus hauts revenus et pour les plus gros patrimoines, la progressivité des impôts directs a diminué par rapport à autrefois. Par conséquent, s'il y a globalement une hausse des prélèvements obligatoires elle a été accompagnée d'une baisse de la justice fiscale. Pour plus de justice fiscale il faudrait donc rétablir plus d’égalité devant l’impôt en supprimant les niches fiscales et toutes les formes d’évasion fiscale, en revenant à l'ISF et en réactivant la progressivité des impôts directs. Les riches préfèrent être mécènes que contribuables. Le mécénat dépend du bon vouloir et permet de se faire mousser alors que l’impôt est une obligation dont le simple respect n’offre pas la même visibilité.
Quels sont selon vous les impôts qu'il faut baisser en priorité ?
L’inconvénient avec la baisse des impôts, c’est qu’elle est toujours associée par ceux qui la prônent à l’austérité. Or l’austérité concerne plutôt les classes populaires et la baisse des impôts, car c’est rarement celle des impôts indirects, profite plutôt aux classes supérieures. Fillon, par exemple, était un ardent partisan de l’austérité. Tout le monde ne savait pas encore, avant qu’il ne soit couvert d’opprobre, que cet homme politique « à la tête d’un Etat en faillite », selon sa propre formule, s’était gobergé sans vergogne aux frais des contribuables pendant toute sa carrière. Comme ses semblables qui nous gouvernent, il considérait sans doute que l'austérité c'est pour les autres et d'abord pour les classes populaires. Le volume des impôts et le périmètre des dépenses publiques qu'ils financent sont différents d'un Etat à un autre en fonction des choix de société et des orientations politiques propres à chaque pays. Une dépense peut être publique dans un Etat et être privée dans un autre pour répondre à un même besoin. Ainsi les dépenses de sécurité, l'enseignement, l'assurance santé, l'assurance vieillesse, etc.…. peuvent très bien être toutes privatisées. C’est un choix politique. En définitive, il est plus judicieux de comparer les dépenses entre les pays selon leur nature : santé, retraite, enseignement, sécurité, etc.. sans oublier de comparer aussi dans ces différents pays les contreparties à ces dépenses. La France a fait le choix pour des raisons historiques de disposer de l'arme nucléaire et d'entretenir une armée fréquemment utilisée dans le cadre des opex. Ce n'est pas le cas de tous les pays européens. Or les dépenses militaires pèsent très lourd dans le budget d'un Etat. On peut aussi comparer selon les pays les dépenses de nature essentiellement privée, par exemple en matière de logement, de déplacement, de loisirs, de nourriture, etc .... Ce serait intéressant. A cette condition, on peut éventuellement commencer à rechercher quelles sont les dépenses, qu'elles soient publiques ou privées, qui valent la peine d'être augmentées ou d'être diminuées et éventuellement en tirer les conséquences, y compris en matière fiscale, mais aussi en matière de pouvoir d'achat et de revenus des ménages… Ainsi en matière de déplacement, le budget voiture des ménages (achat, assurance, carburant, entretien) est très élevé. Pourquoi ne pas le diminuer ? Le gain de pouvoir d'achat serait considérable. Mais peut-être faudrait-il alors développer des alternatives à la voiture individuelle et adapter les transports publics…. La part du budget logement aussi est devenue excessive pour les ménages. Il est probable qu’avec une dépense publique plus forte dans ce domaine, les ménages seraient soulagés et retrouveraient des marges de manoeuvre.
Quels sont les domaines prioritaires où notre protection sociale doit être renforcée ?
Les dépenses sociales sont financées par les cotisations sociales. C’est donc d’abord en supprimant ou en réduisant le chômage et en augmentant les revenus et les salaires que le montant des cotisations sociales pourra augmenter. Les cotisations sociales c’est du revenu différé. Diminuer les cotisations sociales c’est diminuer le niveau de vie. En matière d’assurance maladie, il y a de plus en plus de médicaments dé-remboursés ou moins remboursés. La durée de cotisation retraite a été allongée. En contrepartie pour une même durée de cotisation qu'auparavant la pension de retraite a été désormais diminuée. L’indemnisation du chômage a aussi été revue à la baisse. Il faut d’abord arrêter de diminuer la protection sociale et si possible la ramener à son niveau antérieur.
Pour quelle(s) politique(s) publique(s) ou pour quels domaines d'action publique, seriez-vous prêts à payer plus d'impôts ?
En matière de fiscalité écologique pourquoi ne pas appliquer le principe du pollueur-payeur ? L’éco taxe et la taxe carbone sont de bonnes solutions. Toutefois il faut offrir des alternatives à la voiture individuelle pour les déplacements quotidiens et diminuer les occasions de déplacements. Pour ce qui concerne le transport des marchandises, on pourrait remettre en question les flux tenduset le zéro stock ainsi que privilégier les approvisionnements de proximité.
Y a-t-il d'autres points sur les impôts et les dépenses sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
Par les biens et les services qu’elles financent, les dépenses publiques et sociales sont des éléments du niveau de vie. Diminuer les dépenses publiques et sociales revient à baisser le niveau de vie des gens. L’externalisation de certaines taches ou activités est présentée comme un moyen de diminuer les dépenses publiques. Elle est souvent effectuée entre deux collectivités publiques. Elle est aussi obtenue par le biais de la privatisation des services publics. De la même façon, la généralisation de l’ordinateur à domicile a permis aux administrations publiques et aussi à beaucoup d’entreprises de déplacer leurs guichets au domicile des particuliers. C'est autant d'économisé pour les administrations et les entreprises mais pas pour les particuliers. Les équipements micro-informatiques (PC et consommables) et les abonnements internet sont à la charge des particuliers et ont un coût élevé. Ainsi a été opéré insidieusement le transfert sur les particuliers de charges qui incombaient jusque-là aux administrations publiques et aux entreprises. Internet c’est pratique mais c’est payant. Une dépense qu’elle soit publique ou privée reste une dépense. Peu importe à cet égard que le particulier auquel elle incombe soit appelé usager, ayant droit ou client. Il existe toutefois une différence importante. Lorsque l’usager ou l’ayant droit est devenu un client, il fait partie de l’actif immatériel d’une entreprise et représente pour cette dernière une valeur négociable alors que l’usager ou l’ayant droit est regardé par nos dirigeants comme un fardeau pour l’Etat et les collectivités publiques. Pour ceux qui sont soucieux de la valeur patrimoniale des entreprises, il vaut mieux que les gens soient des clients de ces dernières que des usagers des services publics ou des assurés sociaux. Pour ma part, je privilégie les biens communs non négociables aux biens appropriés et négociables. Je n’ai donc pas d’hostilité de principe contre l’impôt et les dépenses publiques ou sociales.
Lire une autre au hasard