Quelles sont toutes les choses qui pourraient être faites pour améliorer l'information des citoyens sur l'utilisation des impôts ?
L'amélioration de l'information des citoyens sur l'utilisation des impôts passe par une présentation claire du montant des dépenses engagées pour chaque grande politique publique( dépenses de protection sociale-retraite, chômage, maladie- dépenses régaliennes comme la défense et la sécurité, éducation...) en agrégeant les dépenses de chaque catégorie d'administration(Etat, collectivités locales, Sécurité sociale).; à cet égard l'information statistique est surabondante sur les sites privés et publics, mais il faut en faire des synthèses simples (comme cela a été fait pour la fiche "finances publiques" pour le grand débat) et actualisées régulièrement. En même temps , elle doit être assortie de quelques indicateurs simples permettant de se faire une idée de l'efficacité de la dépense : par ex évolutions du taux de pauvreté, du nombre d'élèves sortant du cycle scolaire sans diplôme ou qualification, du revenu disponible moyen par ménage...Enfin elle doit être complétée de la connaissance de ce qui se fait en matière de performance des politiques publiques dans les Etats comparables (avec la difficulté de comparer ce qui ne l'est pas toujours du fait d'organisations administratives différentes-Etat centralisé ou fédéral) de façon à montrer qu'on sait faire aussi bien ou mieux en y consacrant moins d'argent. Là encore, l'information est sans limite, sous réserve qu'on sache la présenter de façon pédagogique.
Que faudrait-il faire pour rendre la fiscalité plus juste et plus efficace ?
La perception de la "justice" fiscale est faussée par l'extrême complexité de la fiscalité française (niches fiscales...) qui occulte des effets de transferts très importants et qui fait sous estimer une redistribution qui est l'une des plus importantes du monde. La justice passe d'abord par une simplification drastique, mais c'est un chantier colossal. Un très grand nombre de foyers français se trouvent échapper à l'impôt du fait d'abattements et de niches diverses , l'absence de toute contribution-même minime -aux charges publiques ayant un effet désastreux sur le sentiment d'appartenance à la communauté nationale. S" agissant de l'impôt sur le revenu, il est dramatique que celui-ci soit concentré sur 47% des foyers fiscaux, l'élargissement de la base fiscale, même pour des contributions symboliques est indispensable. Par ailleurs, ce serait une fausse piste que d'opérer une fusion de l'IR et de la CSG, en introduisant de la progressivité dans celle-ci et de l'affecter à une autre destination que le financement de la protection sociale, ce qui aurait pour conséquence inévitable d'augmenter la charge sur la classe moyenne, déjà matraquée au cours des décennies précédentes. Du point de vue de la justice fiscale , la suppression-partielle- de la taxe d'habitation, seul impôt direct avec la CSG que connaissaient un grand nombre de Français (et dont le poids se trouvait atténué par de nombreux abattements) a été une erreur catastrophique du gouvernement. De même la suppression de la partie de l'ISF assise sur les placements-même s'il s'agissait d'un très mauvais impôt, a été très mal gérée politiquement par le gouvernement, qui aurait pu prévoir d'imposer le réemploi de son produit dans le capital d'entreprises françaises ou européennes. Pour résumer: plus de justice fiscale passe par la simplification, des choix d"affectation transparents (la taxe carbone doit aller à la transition énergétique, la CSG à la protection sociale...) et la définition d'assiettes fiscales larges.
Quels sont selon vous les impôts qu'il faut baisser en priorité ?
On doit viser aussi bien les cotisations sociales et l'impôt. En priorité, continuer à baisser les cotisations sociales qui restent trop élevées par rapport à nos concurrents étrangers et pèsent excessivement sur le coût du travail (y compris les cotisations des particuliers employeurs qui n'ont pas bénéficié des allègements de charges des Pactes de responsabilité). Dans le même esprit alléger un certain nombre d'impôts ou contributions sur la production (Cotisation à la valeur ajoutée des entreprises, C3S, versement transport...) qui n'ont pas d'équivalent chez la plupart de nos concurrents. S'agissant de l'IR, c'est plutôt de sa répartition qu'il faut parler, son poids global dans le produit de la fiscalité française restant modeste par rapport à ce qui se passe chez nos voisins. Pour la CSG, les possibilités d'allègement-qui seraient souhaitables-sont fonction des économies qu'il sera possible de faire sur les dépenses de protection sociale et notamment les retraites. Enfin s'agissant de la TVA, si l'on peut envisager des baisses sur certains produits ou service de première nécessité (électricité...), il ne faut pas s'interdire, en sens inverse, de remonter son taux -voire de recréer un taux majoré à 25%- sur des produits à fort contenu technologique (véhicules, électronique...) ce qui aurait pour intérêt de peser sur les importations et de dégager des ressources alternatives par exemple pour le financement de la protection sociale. Les propositions de " TVA sociale" ont été malheureusement naufragées par une mauvaise présentation politique il y a une dizaine d'année, mais c'est un des rares impôts pour lesquels il existe encore une marge de manoeuvre au plan européen.
Afin de financer les dépenses sociales, faut-il selon vous...
Reculer l'âge de la retraite, Augmenter le temps de travail, Revoir les conditions d'attribution de certaines aides sociales
S'il faut selon vous revoir les conditions d'attribution de certaines aides sociales, lesquelles doivent être concernées ?
Oui, mais c'est à voir au cas par cas. Le principal secteur (mais il ne s'agit pas à proprement parler d'aide sociale) est celui de l'assurance chômage pour laquelle il faut revoir les conditions d'indemnisation; en sens inverse, s'agissant de la prime d'activité récemment revalorisée et étendue, le gouvernement s'est engagé dans une voie extrêmement dangereuse sur le plan budgétaire en se substituant aux employeurs et en donnant une garantie de pouvoir d'achat,pour les bas salaires, alors qu'une augmentation du SMIC compensée par des allègements de charges aurait été la voie la plus raisonnable.
Quels sont les domaines prioritaires où notre protection sociale doit être renforcée ?
Vu l'état de nos finances publiques, c'est plutôt l'inverse qui est nécessairement appelé à se produire. Le seul domaine sur lequel un effort est inévitable est celui de la dépendance, dont les besoins vont exploser d'ici 2035 et pour lequel une contribution supplémentaire devra être prévue.
Pour quelle(s) politique(s) publique(s) ou pour quels domaines d'action publique, seriez-vous prêts à payer plus d'impôts ?
Compte tenu du poids des prélèvements obligatoires, c'est à niveau de prélèvement fiscal égal voire moindre qu'il va falloir financer d"éventuelles nouvelles priorités. Parmi celles-ci,outre la dépendance cité plus haut, c'est sans doute sur la recherche et l'innovation qu'il faut augmenter les efforts, ainsi que sur la défense et la sécurité intérieure, compte tenu de l'accroissement des menaces. A impôt constant, les ressources nécessaires ne peuvent venir que d'un accroissement de la productivité dans les fonctions publiques, c'est à dire d'un allongement de la durée du travail (avec compensation uniquement pour les bas salaires). En sens inverse, le gouvernement serait avisé de renoncer à certains gadgets coûteux comme le "nouveau service universel" (1,5Md € en régime de croisière)
Y a-t-il d'autres points sur les impôts et les dépenses sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
Comme l'illustre très bien la fiche sur la dépense publique, le principal écart en matière de dépense publique par rapport à nos voisins provient des retraites (4 points de PIB). A cet égard, il n'y a pas de solution miracle autre que l'allongement de l'âge légal de départ en retraite; A l'occasion de la réforme des retraites, le gouvernement doit enfin dire la vérité aux Français et ne pas noyer le poisson avec la recherche du système universel. Celui-ci est certes un objectif louable, mais les retraites ont pris un tel poids dans la dépense publique que c'est le seul domaine-avec celui des traitements de la fonction publique- qui a la masse critique suffisante pour dégager raisonnablement rapidement de la marge de manoeuvre financière.
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