Y a-t-il d'autres points sur les impôts et les dépenses sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
DES OBLIGATIONS FISCALES DES ASSOCIATIONS DIOCESAINES
En ce temps de grand débat dans lequel la fiscalité semble être un enjeu central , il semble nécessaire d’apporter une modeste contribution. Il semble en effet que si la situation fiscale de différents personnages publics ou de certaines entreprises est assez largement débattue, il serait de bon ton de porter cette discussion plus largement et de l’étendre aux organisations en général. A titre d’expérience, nous allons porter attention au régime fiscal des organismes sans but lucratif, et en particulier à celui de l’Eglise catholique, en particulier au travers de ses associations diocésaines. Il est bien évident que le raisonnement développé ici ne vise pas particulièrement l’Eglise et qu’il pourrait sans nul doute être élargi à d’autres types d’OSBL afin de faire naître un débat fécond.
Nous allons donc explorer la possibilité de la soumission à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) de certaines activités des associations diocésaines. Pour ce faire, nous allons procéder par une démarche analytique portant sur les points suivants :
1. Les associations diocésaines peuvent-elles être considérées comme des assujettis (au sens de l’article 256 du CGI) ?
2. Les opérations économiques réalisées par les associations diocésaines peuvent-elles être exonérées de TVA ?
3. Quelles conséquences logiques peut-on retirer des points 1. et 2. et comment peut-on réaliser un premier chiffrage des éléments en cause ?
4. Propositions dans le cadre du Grand Débat National
1. DE LA QUALITE D’ASSUJETTI
L’article 256 du CGI prévoit que :
I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.
II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire.
(…)
V. L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés.
On peut noter que la notion fiscale d’assujetti est très vaste, et qu’elle englobe les livraisons de bien (les ventes), et les prestations de services. Pour définir plus simplement une prestation de service, on peut s’appuyer sur le site impots.gouv qui énonce que « Si l'activité n'est pas une activité de livraison de biens (vente), elle relève des prestations de services. ».
Il semble donc que diverses activités des associations diocésaines lui donnent la qualité d’assujetti au sens de l’article 256 du CGI (comme du reste de très nombreuses autres opérations effectuées par d’autres organisations). Cela ne signifie pas forcément que l’Eglise est redevable de la TVA (en tout cas, pas à ce stade du raisonnement), mais cela constitue une étape indispensable de notre raisonnement.
Une typologie des activités générant des ressources pour les associations diocésaines est présentée dans l’article de Nicolas de Bremond d’Ars, « Les catholiques et l'argent. Une approche de la paroisse par ses finances » (2006) : on peut dégager plusieurs catégories :
- Les troncs pour les cierges
- Les honoraires de messe
- Les activités et les fêtes
- Les quêtes
- Les dons versés à l’occasion des cérémonies (casuel)
- Le denier de l’Eglise
Nous allons maintenant procéder à une analyse succincte de ces catégories afin de voir dans quelle mesure elles procurent la qualité d’assujetti.
1. Les troncs pour les cierges : l’opération peut s’analyser en une livraison de bien ou en une prestation de service. Si l’on considère que le fait que mettre 1€ dans le tronc confère la propriété du cierge, et qu’on peut librement repartir avec pour l’utiliser ailleurs ou autrement, c’est une livraison de bien. Si l’on considère que la contrepartie de l’euro déposé dans le tronc est le droit d’allumer un cierge et de le laisser luire devant l’autel, c’est alors une prestation de service. Quelle que soit la position choisie, l’opération est par principe soumise à la TVA.
Remarque sur les livraisons de biens et les prestations de services effectuées « à titre onéreux » : le critère constitutif est celui d’une contrepartie « quelle qu’en soit la nature » et ce même si l’opération est effectuée « à prix coûtant » (BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-10-20130819). La contrepartie est donc bien présente ici car il y a versement d’une somme d’argent dans le tronc.
2. Les honoraires de messe : il s’agit bien évidemment d’une prestation de service. Nicolas de Bremond d’Ars (2006) les définit de la façon suivante : « Comme son nom l'indique, l'honoraire est une somme d'argent versée à l'occasion d'une messe par une personne qui souhaite que l'intention qui la préoccupe soit prononcée au cours de l'office. ». On ne peut être plus clair sur l’intention et la contrepartie.
Remarque sur les honoraires de messe : un barème des honoraires de messe est proposé par l’assemblée des évêques. Le site internet de Notre Dame de Paris récapitule les tarifs : 17€ pour une messe, 170€ pour 9 messes consécutives (soit 18,88€ par messe), 560€ pour 30 messes consécutives (soit 18,66€ par messe). On peut donc noter que les prix des messes ne sont pas en moyenne dégressifs, et donc en conclure qu’il vaut mieux acheter ses messes à l’unité qu’en gros. Ce phénomène fait des messes une curiosité économique qu’il faudrait étudier plus en profondeur.
3. Les activités et les fêtes : il s’agit des ventes de charité. Etant des livraisons de bien, leur assujettissement ne fait pas le moindre doute.
4. Les quêtes (à l’intérieur des églises) : la collecte étant indissociable de la messe du fait de la temporalité, on peut analyser leur produit comme une contrepartie. Pour les autres collectes, on peut envisager qu’il s’agisse de dons. On ne peut mettre en doute le fait que le développement de la quête électronique permette une meilleure traçabilité des ressources et augmente le degré de fiabilité des informations financières.
5. Les dons versés à l’occasion des cérémonies (casuel) : en dépit de leur appellation de « dons », un raisonnement logique identique a celui des quêtes est nécessaire. L’analyse conduit donc à conclure qu’il s’agit également d’une contrepartie à une prestation de service (la cérémonie en question).
6. Le denier de l’Eglise (ou denier du culte) : la situation est ici plus complexe. Nicolas de Bremond d’Ars (2006) écrit : « Il ne s'agit pas d'un impôt au sens propre du terme puisqu'il n'existe aucun système de contrainte dans l'Église qui en garantirait le recouvrement ; il ne s'agit pas non plus exactement d'un don à cause de son caractère régulier : celui qui verse son DDE, bien qu'il soit libre d'y renoncer à tout moment, verse en général sa contribution tant que dure sa participation à la vie paroissiale, et particulièrement la fréquentation de la messe dominicale. » On peut dégager de cette analyse le caractère de contrepartie du denier de l’Eglise à la messe dominicale, et donc encore une fois le caractériser de contrepartie à une prestation de service. Le fait qu’il puisse être versé pour contribuer aux charges courantes ne remet pas en cause cette analyse : lorsque l'on fait appel à une entreprise pour une prestation de service, on contribue également à ses charges courantes, ce n’est pas à nous de décider de l’affectation de la contrepartie.
Remarque sur la notion d’impôt : le fait qu’il n’existe pas de mécanisme de recouvrement ne permet pas de déduire que le denier de l’Eglise n’est pas un impôt. Selon l’INSEE, un impôt est : « un versement obligatoire et sans contrepartie aux administrations publiques ». Dans la même idée, on peut déduire 5 caractéristiques permettant de définir un impôt de la jurisprudence du 21 novembre 1958 « Syndicat national des transporteurs aériens » du Conseil d’Etat : il a un caractère pécuniaire, il est effectué par voie d’autorité, il est opéré à titre définitif, il sert à financer les personnes publiques, et il est sans lien avec le fonctionnement du service (il n’implique pas de contrepartie). On pourrait discuter du statut d’impôt du denier du culte si l’on accepte de considérer le Vatican comme un Etat (nous y reviendrons), et si l’on considère l’obligation morale pesant sur les fidèles. On peut en effet trouver sur le site internet eglise-catholique.fr une analyse de l’ancrage théorique en droit canon du denier du culte (l’analyse en droit civil est malheureusement peu étoffée, ce qui est au passage fort déplorable) :
Jésus, dans l’Évangile selon Saint Matthieu, nous dit que « l’ouvrier mérite son salaire » (Mt 10, 10). Cette contribution est à la fois conforme au droit canonique et au droit civil. Le canon 222 § 1 dispose, en effet, que « les fidèles sont tenus par obligation de subvenir aux besoins de l’Église afin qu’elle dispose de ce qui est nécessaire au culte divin, aux oeuvres d’apostolat et de charité, à l’honnête subsistance de ses ministres. »
Il est donc bien question d’une obligation, à caractère pécuniaire, à titre définitif, par voie d’autorité (le droit canon), et servant à financer le service en général (sans contrepartie). Si l’on accepte cette analyse, ses prémisses, et ses conséquences, le denier de l’Eglise est bien un impôt (et n’est donc évidemment pas soumis à la TVA), mais il serait dans ce cas souhaitable d’établir une convention fiscale avec le Saint-Siège, la réduction d’impôt sur le revenu (BOI-IR-RICI-250-10-20-20-20120912) n’ayant dans ce cas plus le moindre sens et devant donc logiquement être supprimée.
Remarque finale sur la qualité d’intermédiaire : dans sa grande sagesse, le législateur a étendu le champ de l’article 256 du CGI (V.) aux processus intermédiés. Il est donc de peu d’importance que l’Eglise ne soit qu’un intermédiaire entre les fidèles et leur Dieu, Notre Seigneur Jésus-Christ, ou la Vierge Marie. De même, l’intercession des Saints, Bienheureux et autres Anges ne saurait remettre en cause la présence des opérations susmentionnées dans le champ d’application de la TVA.
On peut déduire de cette première partie de notre raisonnement que les opérations économiques menées à titre habituel par l’Eglise relèvent bien du champ d’application de la TVA. Nous allons maintenant examiner les éventuelles raisons qui pourraient conduire à une exonération de cette taxe.
2. DE L’EXONERATION DE LA TVA
Propos liminaires sur les statuts des associations diocésaines
Les statuts des associations diocésaines en France sont constitués selon un modèle type, sur avis du Conseil d’Etat le 13 décembre 1923 (le Conseil d’Etat note que ces statuts sont conformes aux dispositions de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat), et qui a été instituée après un accord entre le Saint-Siège et l’Etat français datant de 1924. Ce statut retravaille en particulier l’objet des associations diocésaines pour lui donner la définition suivante : « subvenir aux frais et à l’entretien du culte catholique, sous l’autorité de l’évêque, en communion avec le Saint-Siège, et conformément à la constitution de l’Eglise catholique. ».
Cette situation est la résultante du refus par l’Eglise (en la personne du Pape Pie X dans les encycliques « Vehementer nos » et « Gravissimo Officii Munere » de 1906) du statut prévu par la loi de 1905 qui ne permettaient pas d’assumer l’organisation interne propre à l’Eglise, et en particulier l’organisation hiérarchique canonique. Cet historique aura une importance particulière dans la suite de notre propos, il faut donc garder cet élément institutionnel en mémoire.
Les associations diocésaines sont donc des associations cultuelles, qui font par principe partie des OSBL, exonérés des impôts commerciaux (Impôts sur les Sociétés, TVA, Contribution Economique Territoriale). L’exonération de la TVA pour les organisations sans but lucratif (OSBL) a été prévue par le législateur afin de pouvoir encourager la vie associative. Elle recouvre en général les opérations ayant un social, éducatif, culturel ou sportif, et est prévue par l’article 261 du CGI, qui énonce que : « 9° les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées fournies à leurs membres, moyennant une cotisation fixée conformément aux statuts, par des organismes légalement constitués agissant sans but lucratif dont la gestion est désintéressée et qui poursuivent des objectifs de nature philosophique, religieuse, politique, patriotique, civique ou syndicale, dans la mesure où ces opérations se rattachent directement à la défense collective des intérêts moraux ou matériels des membres ; les dispositions des c et d du 1° du 7 s'appliquent à ces organismes ; »
(Remarque furtive : le denier du culte dont nous parlions tout à l’heure est libre dans son montant, ledit montant n’est donc pas fixé conformément à des statuts, il ne s’agit donc pas d’une cotisation au sens de cet article. Une cotisation est prévue dans les statuts des associations diocésaine, mais elle concerne uniquement ses membres : l’Archevêque, au moins 30 membres titulaires résidant dans le diocèse, des membres honoraires ; il ne s’agit donc aucunement des fidèles qui sont dans leur ensemble redevables du denier de l’Eglise).
Le 7 de l’article 261 pose comme condition le caractère désintéressé de la gestion. L’essentiel de la définition du caractère désintéressé de la gestion se trouve au niveau de la participation bénévole à la gestion : « L'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation ». Cette facette pourrait en elle-même être critiquable, car on pourrait considérer que les personnes qui gèrent et administrent les associations diocésaines ont un intérêt, sinon direct, au moins indirect, dans les résultats de l’exploitation, puisque ce facteur risque fort d’influer sur le succès de leur carrière. Cependant, nous nous en voudrions d’oser présenter un argumentaire aussi bas et vil alors que d’autres voies semblent bien plus prometteuses.
Il existe en effet d’autres conditions pour bénéficier de la non-imposition, et en particulier le critère du fonctionnement démocratique. Le bulletin officiel des finances publiques (BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20-20170607) précise qu’
« Il se manifeste par :
- l'élection démocratique régulière et périodique des dirigeants ;
- un contrôle effectif sur la gestion de l'organisme effectué par les membres de l'association. »
Il est à noter que le caractère démocratique semble d’emblée grevé par l’objet décidé par les statuts. En effet, une association gérée sous l’autorité de l’évêque, en communion avec le Saint-Siège, et conformément à la constitution de l’Eglise catholique, nous semble avoir peu de chance de pouvoir être considérée comme fonctionnant de façon démocratique.
Le statut de membre des associations diocésaine est particulièrement encadré, on ne peut devenir membre sans accord conjoint de l’évêque et du conseil d’administration (article 7 des statuts). Les membres ne sont donc pas les fidèles. Ceux qui fournissent les ressources (qui sont énumérées dans l’article 17) n’ont donc aucun droit de regard sur leur utilisation, ce qui est assez peu démocratique, vous en conviendrez. Il n’est d’ailleurs pas du tout supposé qu’elles soient gérées dans leur intérêt.
Les dirigeants des associations diocésaines sont élus, certes. Regardons un peu les modalités de cette élection (article 10) :
« L’Administration de l’Association est confiée à un conseil composé de l’Evêque, Président, et de quatre membres titulaires de l’Association élus par l’Assemblée Générale, la première fois sur une liste de huit membres présentée par l’Evêque, dans la suite sur la présentation de l’Evêque d’accord avec le conseil lui-même. Ces quatre membres, dont un doit être pris parmi les vicaires généraux ou les vicaires épiscopaux, un parmi les membres du Conseil diocésain pour les affaires économiques et un parmi le collège des consulteurs, assistent l’Evêque dans sa gestion de la manière prévue par les règles canoniques. »
Cela commence assez mal car il n’est évidemment pas question d’élire l’évêque, qui préside. Une première atteinte à l’élection démocratique des dirigeants.
Les 4 autres membres dirigeants sont élus, par l’Assemblée Générale (qui n’est pas composée des fidèles, rappelons-le, mais seulement des membres pour lesquels l’évêque – qui dirige le conseil – a donné son accord). Parmi ces 4 membres, le choix est libre (mais dans une liste de 8 personnes, et avec l’accord de l’évêque), mais il doit y avoir un vicaire (nommé par l’évêque), un membre du conseil diocésain pour les affaires économiques (dont le bureau est choisi par l’évêque), un membre du collège des consulteurs (un organe consultatif constitué de prêtres … nommés par l’évêque). Donc en résumé, sur une liste de 8 personnes choisie en accord avec l’évêque, on en nomme 4 donc 3 sont issus d’organes nommés par l’évêque. Il n’est même pas besoin d’ironiser sur l’absence totale de démocratie de ce « scrutin ».
Si l’on définit la démocratie comme une forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple, on ne peut que constater l’absence totale de fonctionnement démocratique au sein des associations diocésaines. Il n’est même pas nécessaire de parler du contrôle effectif sur la gestion, il n’y a d’ailleurs aucune procédure de contrôle prévue dans les statuts. L’article 18 pose clairement que les ressources sont employées par l’Archevêque conformément à l’objet, et c’est tout.
On peut également noter que l’évêque, qui est au sommet de toute cette organisation pyramidale, est nommé directement par le Saint-Siège. Il est donc le représentant d’une puissance étrangère, l’Etat de la Cité du Vatican, reconnu lors des accords du Latran de 1929 entre le pape Pie XI et Mussolini. Ce fonctionnement démocratique inexistant est encore plus mis à mal quand au sommet des associations diocésaines est placé un représentant d’une monarchie absolue de droit divin (qui est certes également élective, mais dans des conditions bien peu démocratiques). Il y a en tout cas une question fiscale et politique à régler avec cet Etat, qui ne se conforme que bien peu aux règles de transparence financière tout en ayant la possibilité d’émettre de la monnaie en euros .
Remarque à propos de l’Etat de la Cité du Vatican : on pourrait contester le caractère étatique de l’« Etat de la Cité du Vatican », ce qui aplanirait un peu cette dernière difficulté. Il serait légitime de s’interroger sur la validité d’accords signés sous un régime dictatorial avec une monarchie de droit divin, il semble douteux qu’un accord valable dans une démocratie puisse naître d’une si mauvaise source. Il semble certain que cette position entraînerait d’intéressantes conséquences sur le plan diplomatique. Il faudrait alors également décider de l’affectation du patrimoine mobilier et immobilier de l’Eglise, et réfléchir à une forme de règlementation pour encadrer son fonctionnement.
3. CONCLUSION ET ESTIMATIONS CHIFFREES
La conséquence logique de cette analyse est que les associations diocésaines ne remplissent pas le critère de fonctionnement démocratique, et n’ont donc pas une gestion désintéressée. Ce fait remet en cause l’exonération fiscale dont elles pourraient bénéficier, en particulier en ce qui concerne la TVA (mais aussi peut être pour les autres impôts commerciaux, une analyse plus fine serait nécessaire).
L’Eglise étant bien entendu respectueuse du droit, elle ne manquera pas de tirer tous les enseignements de cette situation et prendra immédiatement toutes les dispositions nécessaires pour se rapprocher de l’administration fiscale afin de régler les impôts qui sont dûs à l’Etat français. En cette période troublée où les fonds publics viennent à manquer dans de nombreux services essentiels à la population, les évêques prendront leurs responsabilités, et rempliront leur rôle de dirigeant des associations diocésaines en prouvant leur attachement au respect des lois, en particulier fiscales.
Afin d’avoir une idée des montants en jeu, on peut s’appuyer sur le budget indicatif d’un diocèse, publié par le site internet comptazine. Il convient de bien garder à l’esprit que ce n’est qu’une estimation, et qu’il y a des diocèses présentant des profils budgétaires très différents. Le budget indicatif est le suivant (en milliers d’euros) :
Cela nous permet de construire le graphique suivant, qui montre la ventilation des ressources par nature :
On peut constater que les ressources étant potentiellement soumises à la TVA représentent une part prédominante des ressources totales : hors le cas du denier de l’Eglise, on peut additionner : les quêtes, les offrandes (de cérémonies et de messes), et les produits des troncs : ceci représente tout de même 41% du total des ressources soit 3 550 000€. En appliquant un taux de TVA de 20% (on ne voit pas pourquoi il y aurait application d’un taux réduit), cela représente 710 000€ par diocèse. Donc un total de 89 460 000€ sur l’ensemble des diocèses. Comme on le voit, cette somme n’est pas à négliger, d’autant qu’il s’agit d’un budget annuel (et qu’il faudra bien sûr compter avec la TVA non réglée des années précédentes.
Si on considère le denier de l’Eglise comme une participation à un ensemble de prestations de services, il faut bien sûr ajouter 20% de (2 560 000*126) soit 64 512 000€. Dans tous les cas, la déduction fiscale de 66% (à l’impôt sur le revenu), n’a pas de raison d’être, l’Etat devrait donc économiser 212 889 600€.
Au total selon la position retenue pour le denier du culte, on a donc un gain net pour l’Etat d’environ 302 349 600€ (si le denier du culte est un impôt, une convention fiscale bilatérale devant être prévue) ou 366 861 600€ (si c’est une contrepartie de prestations de services et/ou si l’Etat de la cité du Vatican n’est pas un Etat).
4. PROPOSITIONS DANS LE CADRE DU GRAND DEBAT NATIONAL
Ayant esquissé les contours juridiques et comptables de la question de l’imposition aux impôts commerciaux (et en particulier à la Taxe sur la Valeur Ajoutée) de diverses opérations économiques pratiqués à titre habituel par des associations cultuelles au sens de la loi de 1905, il nous faut maintenant oser quelques propositions.
1. Le fonctionnement démocratique étant reconnu comme un pilier nécessaire dans notre pays, ce qui est matérialisé en matière fiscale par (notamment) son obligation pour bénéficier du statut d’organisme sans but lucratif, il convient de demander à l’Eglise catholique :
a. De mettre en place ce fonctionnement démocratique dans le fonctionnement de ses institutions : il n’est pas de raison légitime qui prive les fidèles d’un juste droit de regard sur l’usage qui est fait de leur contribution, ni d’ailleurs de l’élection des membres chargés de gérer les biens et le fonctionnement de l’Eglise. Ce fonctionnement devrait en toute logique s’étendre aux questions faisant actuellement débat sur le plan politique, la souveraineté au peuple faisant appel à un débat en profondeur qui porte aussi sur les questions idéologiques.
b. A défaut, de tirer les conséquences de ce refus, et de payer les différents impôts dont elle ne manquera pas d’être redevable en matière d’impôts commerciaux. Les comptes combinés des associations diocésaines sont très probablement disponibles auprès de l’Union des associations diocésaines, les recettes sont déjà ventilées de façon analytique, il ne semble pas faire de doute que le chiffrage exact devrait être assez aisé à obtenir et qu’un accord pourrait régler le sort des années d’impositions dues depuis 1905.
2. Il convient également de mettre en œuvre une démarche d’observation des OSBL dans leur ensemble, quel que soit leur objet, qui portera en particulier sur le respect des obligations légales en matière de fonctionnement démocratique effectif, sur le statut des directeurs (et notamment en regard de leur éventuelle qualification de dirigeants de fait), et sur la publicité obligatoire des rémunérations des membres et des dirigeants. Cette démarche permettra de lever de nombreuses opacités et améliorera la transparence de la vie publique.
3. Il semble également nécessaire de se pencher sur le statut juridique applicable à l’Etat de la Cité du Vatican : une relecture approfondie des accords du Latran guidée par les principes de démocratie et de transparence semble nécessaire. Il conviendrait également de réfléchir à des accords relatifs à la fiscalité et à la règlementation financière dans son ensemble.
5. REFERENCES
REFERENCES JURIDIQUES
Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat
Code général des impôts, article 256
Code général des impôts, article 261
BOFIP : TVA - Champ d'application et territorialité - Opérations imposables en raison de leur nature - Livraisons de biens meubles corporels
BOFIP : IR - Réductions et crédits d'impôt accordée au titre des dons faits par les particuliers - Conditions d'application – Versements effectués au profit de Fondations et autres associations reconnues d'utilité publique
BOFIP : TVA - Champ d'application et territorialité - Opérations exonérées en régime intérieur - Organismes d'utilité générale - Principes généraux applicables aux organismes sans but lucratif
BOFIP : IS - Champ d'application et territorialité - Collectivités imposables - Organismes privés autres que les sociétés - Conditions d'assujettissement des organismes privés - Critères généraux d'appréciation de la non-lucrativité
Circulaire du 23 juin 2010 ayant pour objet le support institutionnel de l’exercice du culte
Exemple de statuts d’association diocésaine : association diocésaine de Lyon
ARTICLES DE PRESSE
Grand débat et fiscalité : le Figaro, Ouest-France, le Nouvel Obs
Optimisation fiscale des particuliers : Yahoo news, Agoravox
Optimisation fiscale des entreprises : le Figaro, BFM business
Sur la quête électronique : Ouest-France
DIVERS
Nicolas de Bremond d’Ars, « Les catholiques et l'argent. Une approche de la paroisse par ses finances », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 133 | janvier - mars 2006, mis en ligne le 03 mai 2009. URL : http://journals.openedition.org/assr/3386 ; DOI : 10.4000/assr.3386
INSEE
Pour en savoir sur la séparation des Eglises et de l’Etat : dossier CNDP Reims
Comptazine : Quel budget pour l’Eglise catholique ?
Eglise-catholique.fr : carte des diocèses
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