Quel est aujourd'hui pour vous le problème concret le plus important dans le domaine de l'environnement ? [Autres]
Tous, le propre de l'environnement est d'être systémique. On peut mettre toutefois en priorité les émissions de gaz à effets de serre (dont découlent la pollution de l'air et le réchauffement climatique) et la surprésence humaine (dont découle tout le reste, dont la disparition de la faune et de la flore, l'appauvrissement des sols...)
Que faudrait-il faire selon vous pour apporter des réponses à ce problème ?
1/ Agir sur tous les fronts : réduction des émissions de gaz à effet de serre et transformation des pratiques agricoles. A ce titre, le rapport Afterres 2050 produit par Solagro propose une transformation en profondeur, systémique et localement adaptée, de nos modes de production et de consommation alimentaires. Quels que soient les secteurs, il importe de soutenir la transformation des filières, pour que les producteurs ne soient plus piégés dans des modes de production et que les consommateurs ne soient plus piégés dans des modes de consommation en raison de verrouillages techniques et de dispositifs juridiques et comptables contraires aux intérêts environnementaux. 2/ Agir auprès de tous les acteurs, des entreprises aussi bien que des consommateurs/citoyens et de la recherche : les très grandes entreprises devraient pouvoir se risquer à faire la preuve de nouveaux modèles économiques privilégiant les préoccupations sociales et environnementales et contribuant à ancrer les personnes dans leur corps et dans des groupes sociaux (réels, pas seulement virtuels), pour que chacun se sente appartenir à son corps, à un ou des lieux de vie, à une ou plusieurs communautés au bien-être desquels il peut contribuer ; redonner de l'autonomie aux citoyens (par exemple avec le droit à produire sa propre électricité), les inciter à changer leurs pratiques (via les nudges, le jeu, la transformation de nos visions du monde) plutôt qu'en les contraignant avec des taxes et des interdits (sauf pour le glyphosate ;-) ; Etat et entreprises devraient investir dans la recherche de technologies respectueuses de l'environnement et de l'humain (le biomimétisme offre une piste par exemple), avec la mise en oeuvre d'une réflexion et d'un encadrement éthique fort des activités de recherche. 3/ Agir sur le plan international : une nation, aussi puissante soit elle, ne peut arrêter seule le réchauffement climatique et l'érosion de la biodiversité. Il importe que les représentants politiques (et les acteurs économiques de poids international) français emploient tous les moyens de négociation à leur disposition pour engager avec eux dans la protection de l'environnement les autres acteurs étatiques et économiques. Cette dimension internationale est essentielle en raison de l'impact inégal à court et moyen termes du dérèglement écologique sur les différents pays, et donc de leurs motivations inégales à s'engager dans la voie de la protection de l'environnement.
Diriez-vous que votre vie quotidienne est aujourd'hui touchée par le changement climatique ?
Oui
Si oui, de quelle manière votre vie quotidienne est-elle touchée par le changement climatique ?
Comme beaucoup de gens en Europe, mes lieux de vie connaissent des épisodes climatiques extrêmes (canicule, sécheresse, fortes pluies...). Mais pour l'instant, au quotidien, le changement climatique ne menace pas dans l'immédiat ma sécurité ou celle de mes proches. Je dirais plutôt que c'est moi qui touche le changement climatique. La manière dont le changement climatique me touche le plus au quotidien est d'ordre psychologique, puisque je vois via les media ce que d'autres subissent ailleurs dans le monde, puisque mon cerveau sélectionne tous ces événements effrayants et imagine la suite et ses impacts sur les lieux dans lesquels j'ai grandi et que j'aime, sur ma santé physique et celle de mes proches - notamment via les implications épidémiologiques du réchauffement -, sur l'augmentation potentielle du stress liée à la densification humaine de certaines zones en raison des migrations pour raisons climatiques, etc. Cette situation psychologique fait penser à celle que connaissent les personnes chez qui l'on a dépisté une maladie asymptomatique par une prise de sang et qui attendent, une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, sans pouvoir dire quand elle s'abattra sur eux, mais sachant de façon certaine que ce jour viendra puisqu'elles voient d'autres malades dans les affres de la maladie déclarée. Cet état de non traumatisme doit être maintenu sous un certain seuil pour qu'il en sorte quelque chose de constructif. Il est important pour cela que je me sente un minimum en capacité d'action sur mes pratiques, ma communauté (les groupes sociaux dans lesquels je vis), mes lieux de vie.
À titre personnel, pensez-vous pouvoir contribuer à protéger l'environnement ?
Oui
Si oui, que faites-vous aujourd'hui pour protéger l'environnement et/ou que pourriez-vous faire ?
Je fais les petites choses habituelles : manger bio, trier les déchets, acheter en vrac, privilégier la marche et les modes de déplacement type vélo ou trottinette, préserver ma santé physique et mentale pour limiter ma consommation de médicaments (eux aussi polluent l'eau et la terre), encourager mes collègues à utiliser des verres en verre, acheter 2è main, prendre soin des appareils et objets, veiller à la consommation familiale d'électricité et d'eau, éduquer mes enfants dans cet état d'esprit... Je fais des entorses occasionnelles à toutes ces ""bonnes pratiques"", selon les circonstances, cela me permet d'assurer le maintien de la tendance de fonds en préservant mon énergie et ma motivation, car si c'est souvent léger parce que ça a du sens, ce n'est pas toujours la voie de la facilité. Mais surtout, je passe tout achat ou déplacement à la question : en ai-je vraiment besoin ? Quel est le ratio coût environnemental / bien-être gagné ? Je ressens ma marge de manoeuvre à titre privé comme assez faible. Mon rythme de vie en particulier permet peu de variations (prendre le temps de marcher jusqu'à certaines activités par exemple). Ce que je pourrais faire est engager mon savoir-faire et mes compétences professionnelles dans le domaine de l'innovation sociale pour contribuer à des niveaux locaux à formuler les problèmes rencontrés, en identifier les systémiques et favoriser les conditions de création de solutions co-construites par une diversité d'acteurs. De même, apporter une contribution de sciences sociales à des recherches transdisciplinaires nécessaires pour la progression de la connaissance face aux incertitudes caractéristiques de notre époque, pour la résolution de problèmes complexes ou s'entremêlent les intérêts environnementaux, sociaux et économiques.
Qu'est-ce qui pourrait vous inciter à changer vos comportements comme par exemple mieux entretenir et régler votre chauffage, modifier votre manière de conduire ou renoncer à prendre votre véhicule pour de très petites distances ?
Des incitations en matière de consommation de produits alimentaires et de première nécessité : promouvoir la présence de commerces de proximité, proposant des produits de qualité, en vrac, avec un minimum d'emballages et dans la mesure du possible, n'ayant pas fait trop de kilomètres. Pour les déplacements sur de très petites distances, promouvoir des espaces ""marchables"" et des modes de transports véritablement écologiques, autonomes, sécurisés et permettant le port de charges (enfants, biens de consommation, objets), y compris dans les zones rurales (les accidents de vélos mortels surviennent essentiellement sur les routes de campagne). Dans les grandes villes, la réduction de la voiture ne peut se faire sans la mise en place de solutions alternatives réalistes pour tous et qui tiennent compte de l'importance de ""l'auto"" mobilité dans les comportements humains.
Quelles seraient pour vous les solutions les plus simples et les plus supportables sur un plan financier pour vous inciter à changer vos comportements ?
1/ Promouvoir des modes de transport autonomes de type vélo, trottinettes ou roues électriques : les adapter avec une autre technologie automotrice que l'électricité (surtout nucléaire) ou le pétrole, adapter les circuits (roulables et sécurisés), les équiper de systèmes de ports de charge ; 2/ Trouver autant que possible, pour chaque espace urbain ou rural, un partage équitable de l'espace public entre voiture / autres modes de transport autonome ; 3/ Réduire le prix du train !!! Se déplacer en train en famille est carrément non concurrentiel avec la voiture (... et même avec l'avion...!). De plus, les systèmes tarifaires sont complètement inintelligibles, il faut être expert pour s'y retrouver, ce qui achève de créer un grand sentiment d'injustice.
Par rapport à votre mode de chauffage actuel, pensez-vous qu'il existe des solutions alternatives plus écologiques ?
Oui
Si oui, que faudrait-il faire pour vous convaincre ou vous aider à changer de mode de chauffage ?
Je miserais plutôt sur l'isolation, qui devrait faire d'une pierre deux coups en permettant de réduire les besoins en chauffage et ceux de refroidissement.
Avez-vous pour vos déplacements quotidiens la possibilité de recourir à des solutions de mobilité alternatives à la voiture individuelle comme les transports en commun, le covoiturage, l'auto-partage, le transport à la demande, le vélo, etc. ?
Oui
Si non, quelles sont les solutions de mobilité alternatives que vous souhaiteriez pouvoir utiliser ?
L'auto partage, Le transport à la demande
Et qui doit selon vous se charger de vous proposer ce type de solutions alternatives ?
Un peut tout le monde : public et privé. Les particuliers, via des plateformes d'auto-partage, avec des systèmes d'assurance et de prix plus avantageux que la possession d'une voiture individuelle.
Que pourrait faire la France pour faire partager ses choix en matière d'environnement au niveau européen et international ?
C'est un point capital. Mais je ne m'y connais pas suffisamment en politique internationale. Prier les agences de notation de mettre de triple A aux pays à l'économie circulaire, à forte capacité d'innovation technologique et sociale et à haut degré de protection de l'environnement ?
Y a-t-il d'autres points sur la transition écologique sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
Je souhaite rappeler que les Low Emission Zones à la mode en Europe à l'heure actuelle sont avant tout une mesure de santé publique visant à réduire la pollution de l'air dans les grandes métropoles, à l'origine d'une augmentation des maladies respiratoires. Beaucoup voient en cette mesure une mesure écologique. On peut la voir comme telle à un niveau très local. Mais elle ne l'est pas du tout à un niveau global. En effet, cette mesure, qui consiste à interdire progressivement la circulation de véhicules dont les émissions sont en dessous de normes fixées (Euro 4, puis 5, puis 6...), conduit à externaliser le problème, en renvoyant les sources de pollution forte en dehors des villes. Il en résulte un remplacement du parc automobile : les voitures qui ne correspondent pas aux normes urbaines sont vendues d'occasion dans le monde rural ou... en Afrique. La pollution reste, elle ne fait que circuler. Au passage, les villes font plaisir à la fois aux grands groupes automobiles français ET aux écolos, ce qui est un beau tour de passe-passe. Les zones de basses émissions NE SONT PAS écologiques en l'état actuel des choses. Ce qui changerait la donne ? Peut-être construire des voitures aux technologies remplaçables ? Pour lesquelles ce n'est pas moins cher de racheter neuf que de modifier, réparer, remplacer les pièces au fur et à mesure des évolutions technologiques moins polluantes. Pour les voitures comme pour toutes les autres chaines de production et de consommation (dont l'industrie vestimentaire), le cradle to cradle devrait être la norme, et donc l'insertion systématique des produits dans une économie circulaire. En parallèle, c'est sur le plan de la culture qu'il est nécessaire d'agir, pour que nous réduisions notre consommation de nous-mêmes, sans dérive autoritaire. En effet, l'un des défis à venir se trouve dans l'équilibre entre protection de l'environnement et liberté. Pour cela il importe de créer les possibilités d'interdépendances riches et consenties.
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