Y a-t-il d'autres points sur la démocratie et la citoyenneté sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
Par définition les approches participatives si volontiers évoquées ces temps ci devraient bien fonctionner dans un cadre de proximité. Si le RIC, demandé par les gilets jaunes, marche aussi efficacement en Suisse c'est parce qu'il est mis en application dans des cantons de taille réduite et à forte identité. Du coup il peut l'être aussi à l'échelle de toute la Suisse. Mais dans une France de longue tradition centralisatrice cela sera-t-il accepté aisément non seulement par l'Etat mais aussi par des élus locaux qui cumulent les mandats sur de longue période de temps et se font déléguer des pouvoirs importants par des assemblées locales généralement dociles ? Voici quelques suggestions qui pourraient faire progresser significativement la démocratie locale. 1) Simplifier durablement l'architecture de la décentralisation . Il y a consensus pour reconnaître qu'il existe trop d'entités administratives en France, 37000 communes c'est lourd. La reforme territoriale tente d'y remédier. Elle a consisté jusqu'ici en un processus beaucoup trop complexe et lent. Les périmètres et les compétences des collectivités locales ne sont pas, à ce jour, durablement arrêtés, ce qui crée de l'instabilité juridique et entravé la mise en œuvre de projets de longue portée. Il faudrait trancher sans tarder en instituant deux niveaux de gestion et d'impulsion disposant l'un et l'autre de plus larges compétences : le 1° étant celui des communautés de communes, des communautés d'agglomération et des métropoles, le 2° étant celui des Régions. L'élection des élus des intercommunalités devrait se faire au suffrage universel direct sut liste et à la proportionnelle intégrale, l'électeur ne choisirait plus selon un fléchage dans la liste communale privilégiant les maires, pas plus qu'il ne serait dessaisi de son dans les petites communes par une élection du délégué à la communauté de communes par le conseil municipal. Il faut arrêter de nier les faits : les communes actuelles, notamment dans le monde rural, ne disposent déjà plus de compétences importantes. Aussi est-il contre productif d'entretenir de façon démagogique le mythe d'une autonomie communale disparue et d'un rôle des maires qui s'est amenuisé au point qu'ils ne sont souvent que des figurants dans les intercommunalités. Sans pour autant disparaître les communes basiques devraient être réduites à une fonction de gestion déléguée par l'intercommunalité par une une dotation. La commune, de ce fait, ne lèverait d'impôts que de façon limitée. Un conseil consultatif des communes pourrait, par contre, être institué auprès des intercommunalités. Ce serait une instance de consultation et d'évaluation à réunir périodiquement à l'occasion de moments forts mais certainement pas de façon continue. Il ne devrait plus y avoir de communes de moins de 5000 habitants. Dans le cas des communes faiblement peuplées mais occupant un vaste territoire ce seuil pourrait être abaissé à 2000 habitants. Dans le cas de continuités urbaines suffisamment denses ce seuil pourrait être élevé à 10 000 habitants. Le département est évidemment à supprimer. C'est plus aujourd'hui une administration réglementée loin des habitants qu'une authentique collectivité porteuse de projets forts. Cette collectivité aurait, est-il soutenu par ses partisans, une utilité en matière de politiques sociales, notamment dans les territoires ruraux. La formule d'un syndicat intercommunal spécifique pourrait tout aussi bien assurer la coordination des actions de nature sociale menées par les communautés de communes. Dans les cas où les communautés de communes auraient besoin de déborder leur cadre territorial le mieux serait de recourir à des contrats de projets intercommunautaires limités dans le temps plutôt que de maintenir de lourdes institutions. La Région conserverait ses compétences actuelles et pourrait récupérer certaines de celles des Departements. 2) Obliger les collectivités à la transparence de leur gestion L'accès à l'information tant pour les élus de base que pour les citoyens devrait être beaucoup plus aisé qu'il ne l'est aujourd'hui. Il y a trop d'opacité dans les gestions locales actuelles. Les procédures CADA d'accès aux documents administratifs sont longues et restrictives, ce qui encouragent les exécutifs à faire preuve d'une culture du secret dépassée. La transparence passe par une numérisation de la gestion locale selon une logique d'«open data». Le caractère confidentiel de certaines données devrait être strictement limité en termes de contenu et de durée. Des normes précises seront à fixer pour obliger les collectivités à informer correctement les habitants, (modalités de restitution des séances des assemblées, communication des travaux des commissions, pluralisme et objectivité des médias et des sites internet des collectivités...). Des données sur la situation économique et sociale des collectivités devraient être régulièrement portées à la connaissance des habitants afin qu'ils puissent disposer de critères d'évaluation des politiques suivies. L'Etat qui gére une part de ces données devra en faciliter l'accès. Des données comme la fiscalité, le prix des services publics ou la dette locale devraient faire l'objet de suivi comparatifs à l'échelle régionale. Rien ne doit être masqué.Tout doit être accessible et clair pour le citoyen. 3) Renforcer la collégialité des assemblées locales Notamment dans les communes de taille moyenne ou petite la pratique des exécutifs est trop souvent de fonctionner selon un modèle pyramidal, chaque chef d'exécutif s'imaginant être un petit Président de la République. Les délégations de pouvoirs accordés à ces chefs d'exécutifs sont souvent excessives et sont loin d'être justifiées d'un point de vue opérationnel, notamment en milieu rural. Le moindre petit maire se fait ainsi par vanité octroyer les attributions dévolues à un maire de grande ville. Il faut revoir ces règles en les ajustant à la taille des communes tout en renforçant les délégations de pouvoir entre les chefs des exécutifs et leurs adjoints, ces délégations devraient être de droit. Un bureau municipal doit agir en équipe et non comme un etat major aux ordres d'un général...ou d'un groupe de troupiers sous la coupe d'un adjudant de quartier. Une assemblée locale doit être un lieu de débat et non une chambre d'enregistrement. Ces règles de gouvernance collégiale compte tenu de la réduction de fait du rôle des communes devront tout particulièrement s'appliquer aux intercommunalités détentrices désormais de la réalité du pouvoir local. L'accès à des fonctions executives techniques devrait comporter une obligation de formation. 4) Faire un place croissante à la participation La gestion des services en réseau tels que la distribution de l'eau, l'assainissement, l'électricité, les télécommunications devrait répondre à des critères particulièrement exigeants de transparence et comporter une représentation significative des usagers, auxquels un pouvoir délibératif pourrait être reconnu. Les travaux des commissions municipales et intercommunales devraient faire largement place à la représentation des habitants. Toute collectivité locale, y compris les plus petites, devraient être dotées d'un réglement intérieur dont le contenu à minima serait rendu obligatoire par la Loi, les assemblées locales étant invitées à aller au-delà. Il s'agit d'assurer une bonne représentation des forces vives et de la société civile en évitant les pratiques clientélistes ou claniques. La participation et la transparence dans les procédures de planification de type PLUIH devront être sensiblement renforcée, par exemple lorsque sont tirées les conclusions d'une enquête publique. Les élus de quelque niveau qu'ils soient doivent assumer la responsabilité de l'expression de leurs points de vue. Jouer de l'argument de l'autorité qui n'aurait pas de comptes à rendre et s'abriter derriere la confidentialité de réunions non tenues en public revient à rendre anonyme la fonction d'élu, ce qui est inacceptable. 5) Instituer un RIC local Cela pourrait être le cas pour demander un regroupement de collectivités ou pour l'approuver mais aussi pour le quitter. Cela pourrait l'être également pour demander la révocation d'un exécutif, évidemment pas pour un oui ou pour un non, mais au moins une fois, voire deux, dans la durée d'un mandat ou encore pour rejeter un règlement intérieur trop en deçà des attentes. Cela devrait l'être enfin pour tout investissement qui dépasserait un certain seuil d'endettement ou qui paraitrait excessif rapporté à un budget local. Les sujets, le nombre de signatures à réunir et les délais des RIC seraient à moduler selon la taille des collectivités. 6) Revoir les régimes indemnitaires des exécutifs. Les modifications de la charge de travail des collectivités entrainées par les transferts de compétences des communes traditionnelles aux nouveaux échelons qu'entraine la reforme territoriale actuelle sont d'ores et déjà importantes et elles vont s'amplifier. La charge de travail des exécutifs communaux, notamment en milieu rural, a nettement diminué, comme en témoigne la moindre périodicité des séances des assemblées locales. Afin de ne pas gaspiller l'argent public il faut proceder à un rééquilibrage des régimes indemnitaires entre les differents niveaux de la vie publique locale. Les indemnités des exécutifs sont calculées aujourd'hui selon un barème bien trop élastique qui conduit à privilegier le niveau le plus élevé. Il faudrait lier de façon plus stricte la grille indemnitaire avec la taille de la population de la collectivité mais peut-être aussi avec les revenus des élus de façon à rendre sa noblesse à la notion de Service de la population. Être élu n'est pas un «job» annexe. Le temps que les salariés peuvent consacrer à un mandat devrait être mieux garanti. Une compensation par exemple fiscale pourrait être accordée aux entreprises dont des salariés exercent des responsabilités dans un exécutif local. Cela permettrait de rendre les assemblées locales notamment en milieu rural où les retraités dominent d'être plus representatives de la population en permettant à plus de jeunes actifs d'y participer. Les economies faites sur le lissage des indemnités des exécutifs, dont il convient d'avoir l'objectif d'en limiter le poids financier global, devraient permettre, combinées avec la mutualisation dans un cadre intercommunal de la gestion des personnels communaux, de mieux rémunérer ces derniers. Les fonctionnaires territoriaux sont mal rémunérés alors que ce sont eux dans bien des cas qui assurent l'essentiel d'une gestion locale, certains élus n'étant que de simples «signeurs». 7) En finir avec les cumuls des mandats des exécutifs dans le temps. Quelle que soit la taille d'une collectivité les mandats exécutifs devraient y être limités dans le temps: pas plus de 2 mandats locaux basiques par categorie de collectivité dans une vie et pas plus de 2 comme responsable d'exécutif. Il faut mettre des obstacle à la professionnalisation des fonctions électives et à la notabilisation confiscatoire de la démocratie qu'elle entraine. Les règles de transparence concernant les patrimoines et les revenus des élus appliquées aujourd'hui aux parlementaire, et aux grands dirigeants nationaux, devraient être appliquées aux membres des exécutifs des intercommunalités et des Régions. Le cumul entre un mandat national et l'exercice d'une fonction executive locale devrait être interdit sans exception. Il pourrait même être imaginé un délai d'incompatibilité entre l'exercice d'un mandat dans des exécutifs locaux et celui d'un mandat national. La parasitage de la démocratie locale par des influences partisanes, le plus souvent sous couvert d'un faux apolitisme, est au cœur de la confiscation de la démocratie locale par les notabilismes et les clientélismes dont abusent les professionnels de la politique. Conclusion: une gestion locale plus ouverte et plus réactive afin de soutenir la modernisation de la France. Une organisation administrative moins lourde et moins complexe est la condition d'une meilleure allocation des ressources et donc d'une reforme réussie, c'est-à-dire equitable, de la fiscalité locale, reforme qui reste à faire. La complexité de cette fiscalité est le reflet de celle du mille feuille. Une démocratie locale informant mieux les populations, les faisant participer et les représentant de façon plus fine sans qu'il y ait confiscation du debat public par les notabilismes sera forcément plus ouverte et plus réactive. On n'imagine pas de transformation ambitieuse de la France sans la poussée de ce tremplin. Alain de Romefort
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