Intégralité de la contribution intitulée "Enrichir la démocratie représentative par la démocratie participative"
Voici l'ensemble des réponses fournies par un contributeur du site officiel aux questions du thème Démocratie et citoyenneté le 5 mars 2019 à Paris 12e Arrondissement .

En qui faites-vous le plus confiance pour vous faire représenter dans la société et pourquoi ?
NB : cette contribution résulte d’un débat informel local entre quelques personnes reliées mais pas spécialement proches. Ainsi posée, cette 1ère question reflète le besoin des citoyens d’être entendus et compris, mais aussi la confusion qui s’est installée sur le sens de la représentation politique. Car l’enjeu n’est pas que chaque citoyen se reconnaisse dans un élu comme dans un miroir (si c’était le cas, on gouvernerait par sondages), mais qu’il trouve dans l’offre politique l’élu de son choix et lui délègue de bon gré le soin de contribuer à la synthèse démocratique (du particulier au général). Ce glissement du sens de la représentation politique résulte de la frustration causée par la disparition du clivage gauche-droite (où les gens « se reconnaissaient ») et la percée des extrêmes. Ce qui a fait la fortune de « l’offre Macron » (le « ni gauche ni droite » d’abord perçu comme un renouveau rafraîchissant) creuse aujourd’hui l’insatisfaction de ne plus pouvoir s’identifier. La démocratie représentative, d’essence libérale, est contestée partout par le populisme qui la taxe d’ultra-libérale pour mieux la dénigrer ou qui la met sans complexe au défi de l’illlibéralisme. Un premier objectif, d’autant plus urgent que ses effets ne peuvent qu’être progressifs, serait donc de restaurer l’adhésion à la démocratie représentative. Pour cela il faut résolument investir dans l’éducation scolaire (enseignements et mise en pratique tout au long du cursus) les moyens de remédier à la méconnaissance des fondements de la démocratie : • liberté d’opinion et pluralisme, fondement du principe électif, • les trois pouvoirs : séparation et articulation, • opposabilité à tous des décisions majoritaires et respect des minorités, et (à l’école et au sein des services publics) de combler l’ignorance du fonctionnement des institutions : • rôle de l’Etat, grandes lignes des niveaux de collectivités ; • rôle de l’impôt et ce qu’il finance (mieux afficher le coût réel des services publics) ; • le modèle social français, son domaine, son mode de gouvernance et de financement. Mais pour l’heure la démarche n’a que peu de chance de « parler » aux citoyens qui ont rayé la démocratie représentative de leur carte mentale. Pour redonner voix aux gens sur les sujets qui leur tiennent à cœur, sans tomber dans les dangers de la démocratie directe, il faut aussi parier sur la démocratie participative et lui ouvrir des moments, des circonstances et des enjeux favorables. Certains d’entre nous craignaient que les deux objectifs (représentation / participation) soient antinomiques, mais au fil du débat nous avons convergé sur la possibilité, avec des outils nouveaux et bien dosés, de concilier démocratie représentative et démocratie participative, sans que l’une contourne ou disqualifie l’autre (cf réponses infra).

En dehors des élus politiques, faut-il donner un rôle plus important aux associations et aux organisations syndicales et professionnelles ?
Oui

Si oui, à quel type d'associations ou d'organisations ? Et avec quel rôle ?
Le mouvement des GJ doit son succès au fait qu’il recrée des lieux et des groupes d’appartenance, où se retrouvent avec fierté nombre de ceux qui se sentent désaffiliés de la société. Pour répondre à cette « souffrance citoyenne », la priorité est de redonner sens et attrait à la politique. Le mouvement GJ lui-même montre que les Français ne sont pas fatigués de la démocratie. Mais l’affaiblissement des corps intermédiaires, et la perte de crédit des élites associée, contribue (avec le chômage, le vieillissement, l’isolement) à cette désaffiliation. Alors oui, donner un rôle plus important aux organisations syndicales est une piste, ce qui suppose (outre une révolution copernicienne pour le patronat) qu’elles renoncent aux postures de combat qui font échouer les négociations et les renvoient dans la main de l’Etat sans prendre la responsabilité des décisions difficiles. Schéma qui décourage l’engagement syndical même si à la base l’attitude peut être plus constructive. Revivifier le paritarisme permettrait de contenir l’emprise de l’Etat sur tous les enjeux collectifs. Les mots-clés : démocratie interne, transparence (éradiquer les avantages et arrosages) et responsabilité (ne plus compter sur la garantie de l’Etat pour équilibrer les accords pas courageux). Peut-être, dans cet esprit, rendre obligatoire le vote aux élections des délégués syndicaux ? Dans le contexte de « désaffiliation », les associations locales sont plutôt gagnantes. En ce sens elles ont un rôle sociétal et civique majeur. Elles pourraient jouer un rôle « politique » accru dans le cadre de l’animation de nouvelles formes du débat public. Mais il n’y a pas lieu de leur donner un rôle particulier dans les institutions politiques.

Que faudrait-il faire pour renouer le lien entre les citoyens et les élus qui les représentent ?
On revient à l’idée de conjuguer démocratie représentative et démocratie participative. Dans notre esprit, cela exclut les formes radicales de RIC qui auraient pour effet d’annuler le principe de délégation de souveraineté des citoyens à leurs représentants pour la durée de leur mandat. Donc non au référendum révocatoire. La sanction attend le prochain scrutin. A voir le référendum législatif et abrogatoire d’initiative citoyenne avec de solides garde-fous. Oui en revanche au référendum constitutionnel, bien sûr avec garde-fous puissants mais c’est bien le peuple souverain qui a le pouvoir constituant. Rappelons les risques du référendum comme substitut à la représentation, ou même concurrent : dérive plébiscitaire, victoire de l’émotion sur la raison, réductionnisme… Nous pourrions souscrire à la proposition de Terra Nova du « RIC sans risque », notamment l’interposition d’une phase délibérative entre la proposition citoyenne et la collecte des signatures qui pourraient la rendre éligible au traitement référendaire (nous ne nous prononçons pas sur le paramétrage). L’intérêt de la phase délibérative confiée à un groupe ad hoc de citoyens est de régler la question de la représentativité (tirage au sort), d’ouvrir la réflexion (délai, rédaction d’une étude d’impact), en mettant l’expertise dans la boucle. En revanche, l’association (marginale) de parlementaires fait pencher le dispositif vers le risque de disqualification des parlementaires. C’est pourquoi, s’agissant des sujets de niveau national et de nature législative, nous privilégions une formule de « PPLIC » : proposition de loi d’initiative citoyenne, avec un paramétrage de collecte de signatures qui élargisse la base du RIP actuel, intègre la phase délibérative par des citoyens tirés au sort, soit dans une formation ad hoc, soit via un CESE complètement revu dans son mode de désignation, et qui revienne au Parlement sous forme de PPL, laquelle suivrait alors le cheminement classique (ce qui ménage en temps masqué le temps de la rédaction des décrets et leur publication au plus vite après la publication). Par contre, nous sommes favorables à un usage large de référendums territoriaux (régions, départements, métropoles) d’initiative citoyenne, sur les questions non législatives mais d’intérêt majeur : aménagement du territoire, transports…), avec le même schéma d’étape délibérative associant des citoyens tirés au sort parmi des volontaires, des experts et des élus.

Le non-cumul des mandats instauré en 2017 pour les parlementaires (députés et sénateurs) est :
Une bonne chose

Que faudrait-il faire pour mieux représenter les différentes sensibilités politiques ?
Sur le principe, nous sommes favorables à l’introduction d’une dose de représentation proportionnelle à l’Assemblée nationale, pour éviter d’aggraver le sentiment d’exclusion de segments de l’opinion qui, faute d’alliés au second tour, emportent un nombre de sièges très inférieur à leur poids dans l’opinion. Comme dans le cas de la définition des seuils pour le RIC ou assimilé, le paramétrage de l’introduction d’une dose de proportionnelle est compliqué. Nous n’avons pas les réponses. Il s’agit d’un scrutin de liste, qui par construction exige une circonscription plus large que le scrutin uninominal. On aurait donc deux sortes de représentants, l’un (élu sur liste) par des électeurs plus nombreux et plus lointains que l’autre alors qu’il est censé affiner la représentation. Si par ailleurs la réforme constitutionnelle va à son terme (réduction d’un tiers des députés) l’éloignement élus-électeurs sera doublement aggravée. Cela dit, ce résultat est conforme à l’idée que la démocratie représentative n’exige pas que les élus incarnent la personne et les intérêts de leurs électeurs. Donc faisons-le, et assumons-en les conséquences (RN doté d’un groupe).

Que pensez-vous de la participation des citoyens aux élections et comment les inciter à y participer davantage ?
Nous nous sommes prononcés en majorité contre le fait de rendre le vote obligatoire. Le caractère inopérant des sanctions rendrait le principe plus symbolique qu’effectif, nous préférons miser sur l’éducation à la citoyenneté et l’appropriation par chacun du devoir de voter. Nous n’avons pas creusé les mesures pratiques comme étaler le scrutin sur 2 jours, ou en semaine, élargir les motifs de vote par procuration… peut-être des pistes d’adaptation au mode de vie des gens.

Faut-il prendre en compte le vote blanc ?
Non

Si oui, de quelle manière ?
Nous sommes prononcés en majorité contre l’intégration du vote blanc compté dans les suffrages exprimés, même dans l’hypothèse où le vote serait rendu obligatoire. Le vote blanc est déjà comptabilisé (et ses scores publiés), ce qui remplit l’objectif de faire savoir qu’on ne se satisfait pas de l’offre politique disponible. L’inclure dans les exprimés risque d’ouvrir la voie au repli, au déni du rôle de citoyen. Son seul effet concret serait d’amoindrir le score du vainqueur du scrutin, d’en faire un « mal élu », sauf en l’absence (non souhaitable) de concurrence. L’effet négatif serait aggravé si, comme probable pour éviter d’invalider le scrutin, le vote blanc amenait à accepter au 2nd tout un vainqueur élu à la majorité relative. Ce qui, pour le Président de la République, supposerait de modifier l’article 7 de la Constitution (« le PR est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés »).

Que faudrait-il faire aujourd'hui pour mieux associer les citoyens aux grandes orientations et à la décision publique ? Comment mettre en place une démocratie plus participative ?
Une préoccupation majeure du groupe n’a pas trouvé à s’exprimer dans le cadre du questionnaire : mieux intégrer l’Europe dans notre fonctionnement démocratique. Nous proposons de rendre le gouvernement plus responsable devant le Parlement sur la politique européenne, et qu’à ce titre il soumette au débat (peut-être au vote ?) de l’Assemblée les positions qu’il entend défendre au Conseil européen.

Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental, doivent-elles jouer pour représenter nos territoires et la société civile ?
L’une de nous a proposé la création d’un Haut Conseil citoyen au niveau national (décliné régions ?), composé de citoyens tirés au sort (parmi des volontaires ?), ayant pour mission de fixer les grands indicateurs d’évaluation des dirigeants, de leur faire exprimer les orientations qui inspirent leur programme, et d’aborder les sujets de fond oubliés des médias (l’idée a fait l’objet d’une contribution). Notre groupe a repris l’idée de base, mais plutôt dans l’optique d’une révision profonde du CESE. Le CESE produit certains travaux de qualité, mais peu diffusés et occultés par les doutes suscités par son mode de désignation opaque et son fonctionnement dispendieux. Un CESE refondé, sans doute rebaptisé, peut-être fusionné avec la Commission nationale du débat public, pourrait mettre en valeur -et en œuvre- la place éminente du débat public dans une démocratie devenue plus participative. Il comprendrait à titre majoritaire (voire les 2/3 de ses 100 à 120 membres) un collège de citoyens tirés au sort (peut-être en partie parmi des volontaires, en partie par le pur hasard), convenablement défrayés (sans être obligés de quitter leur emploi). Un tiers de ce collège de citoyens serait formé de jeunes en scolarité ou en formation (dès 16 ans). Ce CESE nouveau serait notamment chargé d’organiser les phases délibératives des référendums-PPL d’initiative citoyenne. Il serait un vecteur de l’intégration de la jeunesse dans le renouveau de la démocratie.


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