Que pensez-vous de l'organisation de l'Etat et des administrations en France ? De quelle manière cette organisation devrait-elle évoluer ?
L'objectif avait été parfaitement défini politiquement: la nécessité d'un choc de simplification. Cette volonté est contredite par le processus de décentralisation, qui a conduit et continue de contribuer à la balkanisation des services publics, à la dilution des responsabilités, voire à l'antagonisme des différents intervenants, à la perte de vue des objectifs au niveau global et du contrôle de l'ensemble, en particulier des dépenses. A l'heure où toutes les entreprises privées de la planète tendent à se regrouper pour gagner en efficacité en faisant des économies d'échelle et en réduisant le nombre d'administratifs par la centralisation des services généraux, notre pays fait l'inverse depuis plus de 40 ans, s'ingéniant à ajouter des strates administratives (et des impôts pour les financer), tout en stoppant ses activités productrices par leur privatisation. Résultat: un secteur public hypertrophié mais loin d'être sur-performant, en déficit chronique, des infrastructures à bout de souffle faute d'investissements structurants, avec une perte peut-être irréparable de savoir-faire, comme par exemple dans le domaine du nucléaire, et la délocalisation massive des unités de production faute de compétitivité, là aussi avec une perte peut-être irréparable de savoir-faire. Pour autant il ne me semble pas souhaitable de couper dans les prestations sociales, l'éducation ou le système de santé, mais de dépenser efficacement. La décentralisation n'aboutit pas au résultat escompté, une meilleure prise en compte des besoins locaux. Par le partage des ressources qu'elle induit nécessairement, elle aboutit à un niveau d'investissement sous-critique. On n'a plus les moyens de financer du lourd (quitte à accepter que le développement de l'ensemble du territoire ne se fasse qu'au fil du temps), donc on dépense dans du léger, qui s'évapore. Comment expliquer autrement qu'avec l'augmentation constante du PIB et du budget global, les moyens manquent pour construire et entretenir les routes, les voies de chemin de fer, les centrales électriques. Comment entreprendre la transition énergétique alors que l'on n'a plus de marge de production d'électricité, que l'on prolonge la vie des anciennes centrales nucléaires et que la nouvelle génération patine? Il faut re-concentrer les moyens. Il n'y a pas d'autre choix. Renoncer à la dépense d'embellissement pour travailler dans le structurant.
Selon vous, l'Etat doit-il aujourd'hui transférer de nouvelles missions aux collectivités territoriales ?
Non
Estimez-vous avoir accès aux services publics dont vous avez besoin ?
Oui
Quels nouveaux services ou quelles démarches souhaitez-vous voir développées sur Internet en priorité ?
A terme toutes les démarches devraient pouvoir être faite par Internet, avec une aide par correspondance électronique (e-mail ou Chat) peut-être pas 24h/24 et 7j/7 mais s'en rapprochant.
Avez-vous déjà utilisé certaines de ces nouvelles formes de services publics ?
Non
Quelles améliorations préconiseriez-vous [des nouvelles formes de services publics] ?
Même si je ne l'ai pas testé personnellement, il me semble que le regroupement dans un même lieu de plusieurs services publics est une excellente idée, si tant est qu'il soit possible de former des agents réellement polyvalents et efficace sur l'ensemble des domaines traités (ceci rejoignant la nécessité d'un choc de simplification) et que les moyens (re-)déployés pour ces centres soit suffisants pour garantir une attente minimale et un temps de réponse court. Avez-vous seulement testé combien de services sont actuellement réellement et facilement joignables tout simplement au téléphone (pas simplement un répondeur déclinant les horaires d'ouverture au public)?
Quels sont les services publics qui doivent le plus évoluer selon vous ?
La prise en charge de la dépendance. Il est symptomatique que les maisons de retraite fassent si peur aux personnes âgées (et aux familles qui ont eu l'occasion de s'y rendre), et il semble que la recherche de rentabilité soit en cause, avec des économies sur la nourriture et le personnel. Comme en beaucoup de domaine, le service public devrait tempérer ces appétits par une offre concurrente, mais qui doit elle-même rester rentable, plutôt que de sponsoriser le secteur privé par des exonérations d'impôts pour les investisseurs qui placent leur argent dans ce secteur.
Comment l'Etat et les collectivités territoriales peuvent-ils s'améliorer pour mieux répondre aux défis de nos territoires les plus en difficulté ?
En premier lieu, je pense que beaucoup de difficultés proviennent d'un sur-investissement dans l'embellissement, l'inutile, les nouvelles infrastructures, au détriment des budgets de fonctionnement de l'existant et sans réelle prise en compte des dépenses de fonctionnement que les nouveaux équipements vont générer. Quelques exemples criants: Au CHU de Marseille on construit sans cesse de nouveaux bâtiments alors que les anciens, pourtant loin d'être centenaires, tombent en décrépitude faute d'entretien. On déplace les services dans les nouveaux espaces créés et on joue aux chaises musicales avec les espaces dégagés, qui sont rarement détruits, générant des dépenses de réaménagement et de déménagement, on investit dans des équipements de pointe, alors que bien avant la fin d'année le budget de fonctionnement est épuisé et il n'y a plus de papier WC, voir de gants pour les infirmières. Entre Aubagne et La Bouilladisse, quasiment l'unanimité des élus locaux prônent la construction d'une ligne de tramway dénommée Val-Tram, qui a toutes les apparences d'un futur gouffre financier, mais va sans doute tout de même se faire sous couvert de transition écologique. Pour justifier cet investissement, les communications successives tablent sur une fréquentation future de plus en plus élevée. De 2500 personnes/jour à la création du projet en 2009, on passe à 4600 lors de l'enquête publique de 2015. Aujourd'hui on annonce 15 à 16000 trajets/j. Pour remettre les choses à leur place, on peut examiner le rapport annuel de 2015 concernant la délégation du réseau de transport public du Pays d'Aubagne et de l'Etoile (http://paysdaubagne.fr/sites/default/files/documents/cra_2015_29_juil_16.pdf). Les actuelles lignes de bus que le Val-Tram remplaceraient (et encore partiellement) représentent 3.1% de l'ensemble des déplacements de l'agglomération en ce qui concerne la ligne Aubagne - La Bouilladisse et 7.9% pour Aubagne – Roquevaire – Auriol, soit un total cumulé de 1700 trajets/j. Par comparaison, la ligne de tramway d'Aubagne, en plein centre-ville, concentre 37% de la fréquentation totale des transports de l’agglo et cela ne représente que 5600 trajets/j. Les chiffres de fréquentations avancés, sans doute nécessaires pour justifier la rentabilité du projet, sont donc devenus totalement irréalistes. Ils correspondent tout juste au total des trajets journaliers effectués sur l'ensemble des lignes de l'agglomération. Par contre, ce qui est bien réel, c'est la volonté des élus de concrétiser le projet à tout prix. Faute de financement pour les 185M€ (chiffre lui aussi sujet à caution qui ferait de cette ligne la moins chère jamais construite en France), le dernier projet ferait intervenir un partenariat public-privé, financé par 5M€/an de délégation de service public. En 2015, la délégation de service public pour les 34 lignes tram, bus et autocars de l’Agglo représentait déjà 15M€/an. Ce budget serait donc augmenté de 33% à vie (les équipements appartenant in fine au partenaire privé) pour financer la modernisation de 11% du réseau. Toujours entre Aubagne et La Bouilladisse, de lourds travaux sont en cours pour élargir l'autoroute à 3 voies alors qu'il n'y a à sur cette section aucun problème de débit. La queue aux péages aux heures de pointe (et en particulier l'été au moment des grands départs), que les usagers réclament de résoudre par l'ouverture d'un nouvel échangeur dont les travaux commencent enfin, mais aucun problème de débit. Le problème de débit se trouve en aval d'Aubagne en direction de Marseille, à la jonction de l'autoroute venant de Toulon, ou l'autoroute urbaine (publique) passe de 2 à 1 voie. Augmenter en amont la capacité de 3 à 2 voies ne sert donc strictement à rien. A des niveaux de dépenses moindre, mais cumulatives, je pense qu'à chaque échelon les élus et/ou responsables ont à cœur de justifier de leur utilité en poussant des projets visibles alors que leur intérêt est souvent douteux et leur coût prohibitif par rapport au service escompté. On assiste à de véritables modes où les équipements de même nature se multiplient d'une commune à l'autre: les rond-points en furent peut-être le premier symbole, mais on peut citer pèle mêle toutes sortes de mobilier urbain dont les lampadaires, bancs et conteneurs de tri sélectifs déclinés en versions plus ou moins luxueuses, panneaux électroniques indiquant la vitesse des véhicules, police municipale, vidéo-surveillance... Et à côté de toutes ces dépenses souvent inutiles ou presque, pas une seule borne de recharge pour les voitures électriques. Ces dernières sont sont donc de facto réservées aux personnes habitant des maisons individuelles. Il faudrait revoir (ou créer) les processus d'évaluation des projets et rendre plus facilement observable par la population les performances de gestion des différentes entités. J'ai trouvé assez facilement sur Internet l'endettement des différentes communes de mon voisinage, mais rien sur la communauté de communes, par exemple. En second lieu et contrairement à la doctrine qui prévaut, je pense que l'état ne doit pas s'empêcher d'entrer en concurrence avec les entreprises privées. Même si celles-ci ne s'entendent pas directement sur les prix, elle sont soumises à des objectifs de rentabilité qui sont sans cesse plus élevés, ce qui est défavorable au consommateur, puisque la marge dégagée est directement prélevée sur le prix de vente. Seule une concurrence moins mercantile peut enrayer ce processus. Pour prendre un exemple, je pense qu'un facteur important du mécontentement actuel est le renchérissement du logement. Malgré toutes les encouragements fiscaux, ce processus n'a pas pu être enrayé, car tous les acteurs privés impliqués agissent en fonction d'objectifs élevés de rentabilité qui renchérissent le coût global. Les collectivités locales ont tous les moyens juridiques de préempter des logements lors des changements de propriétaires. Combien le font? Pourquoi systématiquement privilégier les constructions nouvelles, surtout dans les secteurs où les infrastructures sont déjà sur-saturées ?
Si vous avez été amené à préparer votre retraite, pouvez-vous indiquer les éléments de satisfaction et/ou les difficultés rencontrés en précisant, pour chaque point, l'administration concernée :
Suite à la réception de son récapitulatif de carrière, ma femme essaie depuis d'avoir un rendez-vous pour en faire corriger les erreurs. Cela n'a pas été possible depuis 8 ans, car les services indiquent qu'ils sont surchargés et ne peuvent donc traiter que les dossiers prioritaires des personnes qui vont prendre leur retraite dans l'année.
Si vous avez été amené à demander un remboursement de soins de santé, pouvez-vous indiquer les éléments de satisfaction et/ou les difficultés rencontrés en précisant, pour chaque point, l'administration concernée :
Je suis mécontent d'avoir été forcé à renoncer aux décomptes trimestriels sur papier pour avoir accès à un compte sur ameli.fr, seul moyen d'éviter d'avoir à se déplacer au centre de la sécurité sociale pour toute démarche.
Y a-t-il d'autres points sur l'organisation de l'Etat et des services publics sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
Concernant la santé, nous avons nous nous sommes rendu de nuit dans un service d'urgence (en l’occurrence à l'hôpital d'Aubagne) pour un doute sur une éventuelle interaction médicamenteuse. Il n'a pas été possible de rencontrer un médecin pour lever ce doute. Notre cas étant jugé bénin par le personnel d’accueil, il aurait fallu attendre 3 heures, sans doute plus en fonction des nouveaux entrants. Ce temps d'attente semble la norme et témoigne d'un réel dysfonctionnement. Pour en avoir discuté avec des personnes travaillant dans ces services, il semble qu'une grande majorité des entrants pourraient être traité par les circuits classiques mais qu'ils se dirigent vers les urgence car c'est le seul endroit ou la prise en charge est totalement gratuite (en ce sens qu'il n'y a pas besoin d'avancer le prix de la consultation, même si on peut par la suite être remboursé). Puisqu'il n'a pas été semble-t-il possible d'obtenir le tiers-payant des médecins de ville, ne faut-il pas faire payer l'accès aux urgences pour rééquilibrer la balance? D'une manière générale, la gratuité apparente des soins, mais aussi d'autres services comme l'éducation, ou des transports publics dans notre commune, pose problème. C'est ainsi qu'une majorité de personnes ne se rendent absolument pas compte des services qui leur sont rendus et des coûts qui sont engagés pour eux par la collectivité, à mettre en face de leur contribution sous forme d'impôts. Ne serait-il pas possible de rendre ces coûts visibles à chaque contribuable de manière individualisée? Cela me semble une mesure de nature à améliorer l'acceptation de l'impôt. Contre un statut particulier de l'état et des fonctionnaires:Évoquer des devoirs particuliers n'a pas de sens pour la majorité des employés du service publics, qui travaillent en horaires de bureau, voire beaucoup moins dans l'éducation nationale. La plupart des fonctionnaires devaient être des salariés ordinaires, sans garantie particulière de leur emploi, sans régime spécial de retraite / pension. De même l'organisme de rattachement devrait être un employeur ordinaire, et tous deux soumis aux règles ordinaires du droit du travail. De la même manière, il me semble que la justice administrative devait se confondre avec la justice ordinaire. Il me semble anormal que l'état soit juge et partie en ce qui concerne ses propres décisions. De plus, la mutualisation des moyens pourraient peut-être aider à améliorer la justice ordinaire. Concernant la réforme de la justice:Je pense que le principal problème est la complexité de la procédure et je ne suis pas sûr que les propositions actuelles vont dans le bon sens. Même si le recours à Internet est probablement de nature à réduire certains coûts (pourquoi systématiquement mobiliser physiquement les différentes parties en un seul lieu: le tribunal?), ce qui est avant tout nécessaire est un accès rapide et direct au juge (ou tout autre autorité investie du pouvoir de décision), de manière à trancher rapidement et sur le fond les litiges. Aujourd'hui, en cas de désaccord des parties, la procédure peut durer indéfiniment à force de renvois et je pense que la majorité des affaires sont gagnées ou perdues sur un vice de procédure. Ceci n'est pas satisfaisant et contredit la notion naturelle de Justice.Les coûts et les souffrances générés sont énormes. Je pense en particulier aux cas de divorce qui s'éternisent, à la haine accumulées sur des années de procédure par les ex-époux et qui rejaillit sur leurs enfants. Il est également sidérant que les décisions de justice ne sont pas systématiquement appliquées sous l'autorité de l'institution, par exemple pour assurer que les pensions alimentaires décidées par le tribunal soient bien versées, ou que des sommes reconnues comme indûment perçues par décision de justice soient effectivement remboursées. Donc priorité à l'accès au juge pour trancher les litiges et à l'exécution effective des décisions de justice, mais j'insiste également sur le fait que toutes les affaires devraient être jugées sur le fond et que l'importance d'éventuels vices de procédure ne devrait être évaluée qu'à terminaison de l'affaire, rajoutant ou retranchant aux charges , mais ne prévalant pas.
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