Intégralité de la contribution intitulée "Contribution du Mouvement Associatif de Normandie"
Voici l'ensemble des réponses fournies par un contributeur du site officiel aux questions du thème Démocratie et citoyenneté le 18 mars 2019 à Caen .

En dehors des élus politiques, faut-il donner un rôle plus important aux associations et aux organisations syndicales et professionnelles ?
Oui

Que faudrait-il faire aujourd'hui pour mieux associer les citoyens aux grandes orientations et à la décision publique ? Comment mettre en place une démocratie plus participative ?
Nous proposons qu’une loi d’orientation soit élaborée afin de renouveler les processus de concertation et de décision publique. Cette loi visant à revivifier notre démocratie, serait coconstruite avec les citoyens et les organisations de la société civile. Elle impliquerait la création de méthodes et d’outils de participation déployés au niveau territorial et national, le développement du recours à des outils de e-démocratie (ex : consultation en amont des projets de loi etc.) comprenant l’accompagnement des citoyens à la prise en main. C’est dans ce cadre que devrait être instauré un soutien aux initiatives citoyennes contribuant au débat public sur des enjeux d’intérêt commun - à l’échelle locale ou nationale - en permettant l’organisation de débats, de contre-expertises, d’évaluations. Ces initiatives se retrouvent souvent confrontés à un manque de moyens (financiers, humains, matériels, techniques...) qui finit par les freiner alors qu’elles sont une source de vitalité pour la démocratie. Aussi, nous proposons que soit mise en œuvre la proposition initialement formulée suite au rapport Bacqué – Mechmache sur la politique de la ville en 2013, puis reprise dans le rapport « Pour une politique de vie associative ambitieuse et une société de l’engagement » remis au Premier Ministre en juin 2018, de création d’un Fonds pour une Démocratie d’Initiative Citoyenne doté annuellement de 5% du montant total de l’argent public consacré au fonctionnement de la démocratie représentative. Il serait géré par une instance indépendante et pluraliste qui permettra aux acteurs locaux de mener à bien des actions décidées par eux-mêmes, à partir de leur expertise et au service de la collectivité.

Faut-il faciliter le déclenchement du référendum d'initiative partagée (le RIP est organisé à l'initiative de membres du Parlement soutenu par une partie du corps électoral) qui est applicable depuis 2015 ?
Oui

Si oui, comment ?
Afin de répondre à la prise en compte concrète de demandes exprimées par la société, nous demandons que lorsque le seuil de 500 000 signatures à une pétition est franchi, le CESE (et les CESER) puissent saisir le Parlement et que celui-ci soit tenu de débattre des propositions portées par le CESE, en vue d’une éventuelle traduction législative. Le Grand Débat s’inscrit enfin dans un contexte d’élections européennes, et les consultations citoyennes menées dans toute l’Europe ont relayé l’attente partagée des citoyens de l’Union d’un projet européen plus démocratique, mais aussi véritables outils ou solutions pour concrétiser cet objectif, qui interpelle également la gouvernance de l’Union. L’initiative citoyenne européenne (ICE) constitue pour les citoyens une manière innovante et unique de façonner l’Europe en invitant la Commission européenne à présenter une proposition législative. Pour qu’elle puisse être un véritable outil d’impact citoyen, nous appelons à en simplifier la procédure pour la rendre plus accessible, à informer davantage les citoyens européens sur l’ICE, et surtout qu’elle soit prise en compte par la Commission dans l’élaboration de politiques européennes.

Que faudrait-il faire pour consulter plus directement les citoyens sur l'utilisation de l'argent public, par l'Etat et les collectivités ?
Cette loi devra également instaurer les conditions de mise en œuvre effective de cadres adaptés pour un dialogue constant entre les pouvoirs publics et les organisations de la société civile. On peut à cet égard prendre l’exemple de la méthode du dialogue structuré inscrite dans la loi Egalité Citoyenneté de 2017 comme outil d’élaboration des politiques jeunesse au niveau régional, qui mériterait d’être réellement investi et étendu (à l’instar du dialogue structuré européen). Cependant, ce renforcement de la démocratie participative que nous appelons de nos vœux ne pourra se réaliser que si se développe parallèlement une véritable culture de la co-construction dans les services de l’État et les administrations territoriales. La transformation de l’action publique, devenue nécessaire, passe entre autres par une capacité des acteurs publics à modifier leur façon de construire les politiques publiques, en y associant les citoyens, directement ou au travers des organisations dans lesquelles ils s’impliquent, en sortant des logiques de silos. Une transformation culturelle qui implique d’ajouter aux formations initiales et continues des agents publics des modules spécifiques sur la co-construction des politiques publiques, de consacrer des moyens dédiés à l’évolution des pratiques et à l’accompagnement, de mettre en place d’une démarche volontaire et systémique.

Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental, doivent-elles jouer pour représenter nos territoires et la société civile ?
Par ailleurs, le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), troisième assemblée constitutionnelle de la République, et les Conseils Économiques, Sociaux et Environnementaux régionaux (CESER), incarnent l’inscription du dialogue avec les organisations de la société civile dans notre architecture institutionnelle. Leur rôle doit être renforcé dans la construction et l’évaluation des politiques publiques, et plusieurs pistes ont été ouvertes en ce sens dans le cadre de la préparation de la réforme constitutionnelle. Ces institutions se doivent aussi d’être des passerelles avec les expressions citoyennes sous toutes leurs formes. C’est dans cet esprit que nous proposons que des panels de citoyens soient associés à leurs travaux et que le processus de pétition citoyenne soit renouvelé. Ainsi nous préconisons que le CESE et les CESER puissent s’autosaisir lorsqu’ils l’estiment opportun sur la base de pétitions ayant franchi le seuil de 100 000 signatures.

Que faudrait-il faire aujourd'hui pour renforcer l'engagement citoyen dans la société ?
Les associations sont un lieu de transformation des indignations et des aspirations individuelles en réalisations collectives. L’engagement au sein des activités associatives est générateur de nombreuses externalités positives pour la société, bien au-delà des 1,5% estimés du PIB que représenterait le bénévolat. L’engagement associatif est facteur d’émancipation pour les individus, permettant de développer des compétences formelles, ou non formelles, dans un cadre collectif. Pour appuyer et protéger cette dynamique, nous demandons la mise en œuvre d’une politique interministérielle sur l’engagement tout au long de la vie (éducation, formation, soutien). Cela passe tout à la fois par le développement du dialogue avec l’Éducation nationale entre autres, pour favoriser la sensibilisation à l’engagement tout au long du parcours scolaire, par un travail avec les partenaires sociaux pour faciliter l’engagement bénévole des actifs, par le renforcement des politiques de soutien à la formation des bénévoles et à la reconnaissance des compétences, formelles et non formelles, acquises. Il est néanmoins nécessaire de rappeler, que, pour que ces politiques contribuent à construire réellement une « société de l’engagement », elles doivent être menées en mettant au cœur la notion d’engagement libre et volontaire, qui est la force du bénévolat. Cet engagement ne peut en aucun cas se vivre et se développer sous la contrainte ou servir de contrepartie à des aides sociales ou des allocations. Il revient en regard aux associations de se mettre en capacité d’accueillir largement, de faire vivre la diversité en leur sein, et de soutenir et de se nourrir de toutes les formes de mobilisation collective, même les plus informelles, pour conserver leur capacité d’innovation citoyenne, inscrite au cœur de leur ADN. La France compte aujourd’hui près d’1,5 million d’associations , dans une dynamique de progression qui ne se dément pas. Animatrices des territoires et actrices essentielles du lien social, elles doivent rester avant tout des lieux d’accueil et de soutien au développement de toutes les formes de participation citoyenne, de nombreux collectifs formels ou informels. Il est essentiel pour lutter contre l’isolement social et renforcer la cohésion de soutenir le développement durable des initiatives et dynamiques associatives de proximité et qu’elles soient facilement accessibles à tous les citoyens qui le souhaitent, quelle que soit leur situation.

Pensez-vous qu'il faille instaurer des contreparties aux différentes allocations de solidarité ?
Non

Y a-t-il d'autres points sur la démocratie et la citoyenneté sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
Le développement de demain ne peut plus être fondé uniquement sur la croissance, il faut faire évoluer notre façon de considérer la richesse de notre pays, ses critères et ses indicateurs. Sur la base de travaux menés par France Stratégie et par le CESE, la France a adopté en 2015, à la suite de plusieurs autres pays de l’OCDE, 10 « nouveaux indicateurs de richesse », destinés à compléter la seule donnée du PIB pour apprécier la « richesses » d’un pays. C’est une évolution importante, mais qui nécessite aujourd’hui d’être pleinement mise en œuvre et intégrée. La loi prévoit que ces indicateurs de richesse soient utilisés pour évaluer l’impact des politiques publiques. Nous demandons qu’ils soient également pris en compte pour la définition de ces politiques en amont, et non seulement en aval, ainsi que pour leur pilotage. Par ailleurs, penser autrement la richesse économique nécessite de mieux connaître et appréhender sa diversité. L’économie non lucrative et ses apports sont aujourd’hui peu explorés par la statistique publique et font l’objet de peu de travaux de recherches ; la valeur créée par l’action associative, en termes d’emploi et d’effet produit pour chaque euro investi doit être mieux évaluée, quantitativement mais surtout qualitativement. Cela nécessite une impulsion politique forte pour créer les cadres adéquats. Il est également urgent de reconnaître que certains services sont des services d’intérêt général, nécessaires voire indispensables aux citoyens, qu’ils soient privés ou publics, et qu’ils ne peuvent répondre à une logique de marché. De très nombreux services portés par les associations sont des services directement utiles pour les citoyens, et permettant de contenir les fractures sociales et territoriales en ayant vocation à être largement accessibles à toutes et tous. Aujourd’hui, 70% des structures d’aide à domicile, 90% des clubs sportifs, 50% des crèches, 90% des établissements d’accueil d’enfants handicapés, ou encore 80% des établissements d’enseignement culturel sont des associations. Mais ces services assurés par des associations sans but lucratif s’exercent bien souvent dans le même cadre que celui appliqué aux acteurs privés lucratifs, alors qu’ils s’adressent à un public de manière inclusive, pratiquent un prix permettant l’accès à tous aux services (exemples : établissements pour personnes âgées habilités à l’aide sociale pour accueillir les publics les plus précaires), et sont gérés par des structures guidées non pas par la recherche d’un profit financier mais par l’engagement de citoyens bénévoles pour des services de qualité. Les associations sont nombreuses à fournir des services sociaux d’intérêt général (SSIG) et leur statut sans but lucratif ainsi que leur gestion désintéressée assurent des conditions de mise en œuvre de ces services qui doivent être pris en compte. A cet égard, la Commission européenne adoptait le 26 avril 2006 une communication spécifique sur les services sociaux d’intérêt général, reconnaissant leurs spécificités, leur contribution à la garantie des droits fondamentaux de la personne humaine et le droit des États à préciser leur définition, leurs missions et leurs modalités d’organisation. Mais dans le même temps, ce sont des périmètres différents de ces services sociaux d’intérêt général qui ont été retenus au travers de différentes directives - marchés publics, aides d’état ou encore la directive « services » - rendant le cadre instable. Par ailleurs, la possibilité laissée à chaque État membre de définir ses services d’intérêt général, disposant ainsi de marges de manœuvre, est restée peu utilisée, en particulier par la France.


Lire une autre au hasard
Retour aux Thèmes